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170 000 étaient exemptés ou déclarés impropres ; restaient 140 000, sur lesquels 80 000 seulement entraient dans le contingent. Sur ces 80 000, 72 000 rejoignaient leur corps, 8 000 restaient dans leurs foyers. Ainsi, sur 100 hommes, 55 étaient exemptés, et, sur les 45 reconnus aptes, 24 seulement rejoignaient le drapeau. Le fardeau militaire ne tombait donc que sur un très petit nombre d’épaules.

Les hommes de l’une ou l’autre partie du contingent étaient autorisés à changer de numéro avec ceux de leur classe propres au service (cela s’appelait la substitution des numéros), ou bien à se faire remplacer par des hommes pris en dehors de la classe : c’était le remplacement. Ce remplacement était un contrat d’ordre purement privé, dans lequel la loi n’intervenait que pour déclarer, au cas de désertion, le remplacé responsable de son remplaçant pendant un an. Ce système avait ce défaut qu’il ne créait pas une véritable réserve. Ce qu’il appelait ainsi était la seconde partie du contingent, des hommes mis en réserve plutôt qu’une réserve. Les soldats qui la composaient n’étaient en général soumis à aucune préparation ; quand ils étaient rappelés, ils ne valaient pas plus que les simples recrues. Un élément sérieux s’adjoignait, il est vrai, à eux : les soldats de la première partie du contingent envoyés en congé avant l’expiration de leur temps. Ceux-là formaient une véritable réserve, mais leur nombre était insuffisant.

Une autre imperfection résultait de la liberté laissée aux contrats de remplacement faits en majorité par des compagnies, qui, moyennant une somme à forfait, se chargeaient soit de fournir un homme, soit d’assurer d’avance contre les mauvaises chances du tirage. Ces compagnies, peu scrupuleuses sur les moyens d’obtenir des remplaçans, avaient recours aux plus tristes pratiques : faciles sur les antécédens, habiles à détourner les investigations de l’autorité militaire et à dissimuler les tares, elles retenaient indûment une partie des sommes fournies ; sur 42 millions reçus annuellement, 18 seulement entraient dans les mains des remplaçans. Ainsi frustrés, ceux-ci arrivaient peu disposés à exécuter un contrat dont ils avaient presque entièrement perdu le bénéfice.

D’accord sur la nécessité de remédier à ces inconvéniens, on était divisé sur le meilleur moyen d’y parvenir. Les uns pensaient qu’il fallait laisser au remplacement son caractère privé et ne