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la maladie de Monseigneur, il continuait : « Nous recevons à tout moment des nouvelles de Monseigneur qui, jusqu’ici, calment un peu notre juste inquiétude. La matière dont je parle m’occupe si fort que vous ne trouverez point étrange que je n’en trouve point d’autre[1]. » Le lendemain de la mort, il lui adressait un billet très court où se trahit l’inquiétude que fait naître dans son âme de chrétien fervent cette disparition si brusque. « Le sujet de cette lettre est si triste, mon cher frère, que je n’ai pas la force de vous en parler. Je prends part à votre douleur qui n’est que trop commune avec la mienne. Reposons-nous sur l’immense miséricorde de Dieu[2]. » Quelques jours après, il lui écrivait encore : « Je ne vous écrivis qu’un seul mot, mon très cher frère, le 15 de ce mois au sujet du malheur qui nous est arrivé. Je ne doute pas qu’ayant un aussi bon cœur que le vostre, vous n’en ayez esté bien vivement touché ; j’ai beaucoup pris de part à votre peine, et je suis bien sûr que vous en aurez aussi pris à la mienne ; j’en ai été secoué et pénétré, et m’en suis trouvé incommodé pendant quelques jours, c’est-à-dire sans appétit et languissant, mais, Dieu mercy, je suis mieux présentement. C’est un coup de la main de Dieu qu’il faut adorer avec soumission. Vous aurez sçu que le Roy a jugé à propos que je prisse le titre de Dauphin, ce qui me remet à tous momens devant les yeux la perte que j’ai faitte. Je sçais, mon cher frère, que vous aviez beaucoup de confiance en l’amitié de Monseigneur ; il ne tiendra pas à moy que je ne la mérite aussi, et je ne saurois assez vous marquer combien j’ai de joye de voir nos intérêts se réunir de plus en plus. Aimez moy donc toujours, mon très cher frère, et soyez persuadé que ma tendresse pour vous sera toujours telle qu’elle doit estre, que vos intérêts iront chez moi immédiatement après ceux de la France, et j’espère qu’ils ne se sépareront jamais[3]. »

Ces lettres traduisent les regrets d’un fils respectueux, ressentant tout ce qu’il doit sentir à la mort d’un père, mais on n’y trouve point l’accent d’une douleur profonde, ce qui est assez explicable, étant donné la nature des relations qui existaient entre le père et le fils. La Duchesse de Bourgogne, chez qui ne parlait

  1. Archives d’Alcala. Lettre du 13 avril 1741 communiquée par l’abbé Baudrillart.
  2. Ibid. Lettre du 15 avril 1711.
  3. Ibid. Lettre du 26 avril 1711.