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biens, sans rien faire d’ailleurs qui fût de nature à relâcher ceux qui continuaient de nous unir à la Russie. Nous ne saurions dire si M. Delcassé, qui n’avait pas prévu la tournure que devaient prendre les événemens d’Extrême-Orient, a recherché ce que nous appelons des amitiés nouvelles à titre de compensation et de contre-garantie, ou s’il y a été tout simplement conduit par la logique de ses négociations marocaines au succès desquelles il prenait un intérêt passionné ; et, au surplus, peu importe ; ce qui est sûr, c’est que les rapprochemens avec l’Italie et l’Angleterre, indépendamment de leurs mérites propres qui auraient été les mêmes en tous temps, se présentaient à nous avec un caractère d’opportunité qui semblait incontestable. La venue à Paris du roi d’Angleterre, puis du roi d’Italie, puis encore du roi d’Angleterre, a donné beaucoup d’éclat extérieur à cette politique. En aurait-on pris ombrage ailleurs ? Rien, en tout cas, ne serait moins justifié, car nous n’avons jamais eu en tout cela que des vues, non seulement pacifiques, cela va de soi, mais conciliantes, et il n’est pas venu une seule minute à notre esprit que nos rapprochemens avec certaines puissances pourraient être mal interprétés par d’autres. L’Italie, en nous tendant la main, est restée dans la Triple Alliance : avons-nous fait quoi que ce soit pour l’en faire sortir ? Probablement nous n’y aurions pas réussi, mais nous n’avons même pas eu l’idée de le tenter. Il est d’ailleurs inutile d’insister sur ce point : l’Allemagne compte à bon droit sur l’amitié de l’Italie, et elle sait bien que la part que nous en avons prise laisse la sienne intacte. Mais les sentimens réciproques de l’Allemagne et de l’Angleterre ne sont pas les mêmes, il son faut de beaucoup. Nous ne reviendrons pas sur ce que nous avons dit bien des fois de la rivalité commerciale qui s’est établie entre les deux nations dans le monde entier, rivalité à laquelle le développement continuel de la marine de guerre allemande a donné dès aujourd’hui quelque chose de préoccupant pour l’Angleterre. L’heure ne parait pas bien choisie pour soumettre cette situation à une étude qui aurait quoique peine à conserver un ton académique. Si on a accepté à Berlin sans trop de malveillance notre rapprochement avec l’Italie, il en a été autrement avec l’Angleterre. On s’en est peut-être exagéré les conditions acquises et les suites possibles. Il n’existe, en effet, entre l’Angleterre et nous, que l’arrangement du 8 avril 1904, dont les termes sont connus de tout le monde et dont personne ne saurait s’inquiéter. Pour ce qui est de l’avenir, il sera ce que chacun le fera.

Nous n’avons, quant à nous, qu’un souci, à savoir de maintenir à l’égard de tous la liberté absolue de notre politique. À défaut de notre