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Page:Revue des Deux Mondes - 1905 - tome 28.djvu/239

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tages à remplir au Maroc la lourde charge dont nous prenions la responsabilité. Devons-nous renoncer à des espérances aussi légitimes ? Est-ce là ce qu’entend l’Allemagne lorsqu’elle affirme que toutes les puissances doivent demeurer au Maroc exactement, strictement, sur le même pied ? Prétend-elle que la France, — en dehors de la région de la frontière où on veut bien nous reconnaître le droit de nous défendre quand nous serons attaqués, — n’y ait pas une autre situation que la Suède, par exemple ? Eh bien ! qu’elle le dise, et nous reconnaîtrons tout de suite que son opposition ajourne à une époque indéterminée la réalisation de toutes les espérances que nous avions pu concevoir, de tous les projets que nous avions pu imaginer. Nous lui abandonnerons l’avantage d’avoir, pour un temps plus ou moins long, arrêté la civilisation à la porte du Maroc. Elle n’aura poursuivi qu’un succès diplomatique immédiat, elle l’aura eu. Mais pourquoi le ferions-nous consacrer par une conférence internationale ?

On a vu, dans notre grande Révolution, les ordres privilégiés renoncer, au cours d’une nuit fameuse, à tous les droits dont ils étaient investis : ils faisaient ce sacrifice à ce qu’ils considéraient comme l’intérêt supérieur de la patrie. Admettons que nous n’ayons pas ici des droits, mais seulement des prétentions : à qui, à quoi en ferions-nous le sacrifice, pour éprouver le besoin d’y procéder avec tant de solennité ? Si on nous inflige, et si nous devons nous infliger à nous-mêmes un désaveu, qu’on nous permette du moins d’y mettre des formes plus discrètes. Notre situation au Maroc est ce qu’elle est ; nous la conservons telle quelle. Les engagemens que d’autres puissances ont contractés envers nous valent ce qu’ils valent, vaudront ce qu’ils vaudront dans la suite des temps ; nous les conservons aussi tels quels. Quant à l’Allemagne, puisque le Sultan du Maroc est tombé momentanément sous sa dépendance, qu’elle en use : nous les laissons en tête à tête. Nous ne jugeons pas, — avons-nous besoin de le dire ? — que le Maroc vaille un conflit entre l’Allemagne et nous. Que l’Allemagne en fasse donc ce qu’elle voudra, si toutefois elle peut en faire quelque chose, ce dont nous nous permettons de douter. Bien des gens, chez nous, éprouvaient des appréhensions très vives en voyant notre gouvernement s’engager dans une affaire dont ils le soupçonnaient de n’avoir pas calculé d’avance toutes les difficultés. Nous en étions, et ce n’est pas aujourd’hui la première fois que nous le disons. Cependant, nous sommes voisins immédiats du Maroc ; nous le connaissons mieux que personne, et nous avons plus que personne des moyens permanens d’action sur lui ; nos expériences algériennes