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relèvent dans une certaine mesure de l’ordre stratégique. Rentrons dans le cadre précis de la tactique en examinant la bataille elle-même, dont il convient d’exposer sommairement les péripéties.

Le 27 mai, de bon matin, la flotte russe se trouvait entre la grande île de Quelpaert et le petit groupe des Goto-shima, voisin de la côte de Kiou-siou. Elle faisait route pour enfiler le chenal oriental du détroit de Corée dans une formation de marche très serrée : 3 colonnes, celle de gauche de cuirassés, celle de droite de croiseurs, les navires auxiliaires[1] au milieu. Le temps était relativement beau, mais brumeux, avec des éclaircies par intervalles ; la brise, établie au Sud-Ouest, était assez fraîche : il y avait du clapotis et de la houle.

À diverses reprises dans la matinée, des croiseurs japonais apparurent tantôt sur le flanc droit, tantôt sur le flanc gauche de l’armée. Ces navires se retirèrent après avoir observé la direction suivie par les colonnes et leur composition : quelques coups de canon avaient été échangés d’ailleurs, mais à grande distance et sans résultats appréciables.

L’espoir que le commandant en chef semblait avoir nourri jusque-là de passer sans coup férir fut-il altéré par ces incidens ?… Toujours est-il que vers midi la flotte russe modifiait sa formation ou plutôt la composition de ses colonnes. La principale, que conduisait, sur le Kniaz-Souvorof, le commandant en chef, ne gardait plus que les quatre cuirassés neufs (Kniaz-Souvorof, Borodino, Alexandre-III, Orel), suivis ou flanqués[2] par les trois croiseurs cuirassés Amiral-Nakhimof, Dimitri-Donskoï et Vladimir-Monomakh. Les deux divisions Felkersham et Nebogatof prenaient la tête de la colonne des croiseurs, dont se détachaient, sous le contre-amiral Enquist, trois bâtimens (Oleg, Awora, Jemtchoug), chargés d’opérer une reconnaissance dans

  1. Ce n’étaient pas des charbonniers ; ceux-ci avaient été renvoyés dans les ports chinois ; mais la flotte russe avait encore avec elle un navire-atelier, un navire-hôpital, un navire ravitailleur de torpilleurs, des remorqueurs, etc. Il semble, de plus, que deux ou trois croiseurs auxiliaires aient été rangés dans la catégorie des non-combattans, en cas d’action décisive. Que n’étaient-ils plutôt en croisière !…
  2. Flanqués, plus probablement. Il est d’ailleurs difficile de suivre le sort de ces bâtimens pendant la journée du 17. Il semble que, vers la fin de la journée, ils se soient trouvés plutôt à l’arrière, avec le groupe de l’amiral Nebogatof.