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juste, — font de la charité privée un délit à punir. Il faut même que les personnes qui commettent ce délit leur paraissent singulièrement coupables ; car s’ils exigent de l’État qu’il conserve, en les payant, les ouvriers des arsenaux auxquels on n’a plus de travail à fournir, ils expulsent sans indemnité ni assistance d’aucune nature ceux qui travaillaient bénévolement à soulager l’éternelle misère et ne demandaient pour eux que leur pain quotidien.

Laissons maintenant de côté ces excès, qui pourtant se renouvellent et s’étendent avec bien de la persistance. Prenons la vie commune de tous les jours. Qui conquiert un droit lui veut une sanction. Qui se glorifie d’assurer l’assistance aux plus faibles tient à réprimer les abus commis contre eux par de plus forts. Pour mieux permettre à ceux-là de faire condamner ceux-ci, on a inventé, — et on a eu raison, — cette forme particulière de l’assistance qu’on appelle l’assistance judiciaire. Interrogez un avoué, il vous dira vite à quel point l’usage, pour ne pas dire plus, s’en développe, et avec quel empressement on s’en sert pour bien des instances en divorce, pour bien des dénonciations et des plaintes, disons même pour bien des tentatives de chantage dont on aurait pu se dispenser.

Donc n’espérons pas voir jamais s’évanouir le double problème de la répression et de l’assistance. Toujours il y aura des hommes qui réclameront passionnément l’assistance pour eux et leurs amis, la répression pour leurs adversaires. Mais toujours aussi les gens équitables et sérieux penseront, appuyés sur de solides raisons, qu’on ne peut sacrifier ni l’une ni l’autre : car il faut veiller sur le respect de tous les droits, et, autant que possible, il faut faciliter, ne pas rendre impraticable, tout au moins, le devoir social. La répression est un mal nécessaire. Si on peut en diminuer le champ par une assistance préventive, puis par une assistance curative, ce sera autant de déperditions de forces productives d’épargnées à la société.


II

Écartons d’abord une première méthode qui consisterait à dire : spécifions ce qui est défendu, et laissons ensuite les gens s’arranger absolument comme ils le voudront pour ne pas tomber sous le coup de la loi. Je ne crois pas que cette méthode ait