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Page:Revue des Deux Mondes - 1905 - tome 29.djvu/399

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Ils sont quatorze mille, en effet, qui s’abonnent à la Revue de l’Enseignement primaire ; ces cliens sont des propagateurs ; et M. Hervé, à la suite du bruit fait autour de son nom, recevait naguère de quatre mille écoles primaires nouvelles des mots d’encouragement et des demandes d’abonnement.

A côté de lui, l’Avenir scolaire, portant orgueilleusement en exergue la phrase de Zola : « Demain la France vaudra ce que vaudront les primaires, » ouvre une autre tribune aux instituteurs révolutionnaires. Dans un article : Pourquoi avons-nous une patrie ? ce journal persifle « l’étrange gloire d’être tondus par ceux qui possèdent les biens de la patrie, et qui se moquent des tondus ; » il sert d’organe à la Ligue internationale des instituteurs socialistes, fondée pour « inculquer aux enfans les principes de solidarité socialiste et universelle et leur inspirer, à tout jamais, l’horreur profonde de la guerre ; » il possède des poètes, enfin, qui chantent, en une heure de loisir, comment « les esclaves en nombre ont muselé la gueule du canon », et qui l’instant d’après, aux frais de la France, élèvent des petits Français.

Les disciples de cette propagande sont disséminés partout. Si vous entendez dire que des élèves d’école normale refusent de commémorer les morts de 1870, ou que des instituteurs de la région de Sedan déclarent qu’ils aimeraient autant être Anglais ou Prussiens que Français, ne cherchez point ailleurs leur filiation : leur père intellectuel est M. Hervé. C’est un de ses élèves, aussi, ce « primaire » de Paris, qui soutient en pleine Bourse du Travail, que la France aurait dû rendre sans combat l’Alsace-Lorraine. Et cet autre instituteur, dont se plaint au journal le Rappel un officier républicain, et qui prétend que le patriotisme n’est pas compatible avec la République, doit être un fidèle de la Revue de l’Enseignement primaire, à moins qu’il n’ait puisé cette idée dans les Annales de la jeunesse laïque en y lisant M. Alfred Naquet. Soyons indulgens à ces pauvres jeunes gens : où donc auraient-ils trouvé l’antidote ? Les directeurs de nos revues pédagogiques, jusqu’à l’été dernier, affectèrent d’ignorer les théories de M. Hervé, de crainte d’avoir à les réfuter. Il y avait bien M. Bocquillon pour élever la voix ; mais la presse pédagogique, sans tenir compte des perspicaces avertissemens du Temps, essayait aussitôt de disqualifier M. Bocquillon comme nationaliste.

Il pouvait même sembler aux instituteurs que leur intérêt personnel militât en faveur de l’ « Hervéisme. » La majorité