Page:Revue des Deux Mondes - 1905 - tome 29.djvu/811

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

« Nous considérons que le droit international est un des facteurs qui contribuera à notre sécurité, en mettant des restrictions aux opérations de nos ennemis. » On lit cette phrase dans un Livre bleu distribué dernièrement aux membres du Parlement britannique ; elle est significative ; il est impossible de reconnaître avec plus de bonne grâce que les règles du droit international doivent se plier aux exigences des intérêts anglais ; telle est la méthode du Foreign Office : en invoquant les principes supérieurs de la justice et du droit, il a eu l’art incomparable de faire promouvoir au rang de vérités intangibles ce qui n’était, le plus souvent, pour lui, que l’expédient temporaire d’une politique dans l’embarras. La répression de la traite des nègres lui a servi jadis à prétendre au « droit de visite, » qui n’était qu’un procédé vexatoire pour affirmer la suprématie maritime de la Grande-Bretagne ; et, pour ne citer qu’un autre exemple, on n’a pas oublié comment, à la faveur de la guerre russo-japonaise et de l’incident de Camranh, il a tenté de nous imposer des règles de neutralité conformes aux intérêts anglais et contraires aux nôtres. Nous verrons comment, en Orient, à propos des détroits et de la liberté de la Mer-Noire, il a usé de ce procédé, avec une habileté supérieure, pour le plus grand avantage de sa politique.

Vue de Constantinople, la question de l’ouverture ou de la fermeture des détroits ne comporte guère non plus de règle sans exception, de principe invariablement applicable. Le Bosphore est si étroit que, s’il était ouvert aux bâtimens de guerre, le Sultan pourrait, à chaque instant, de son palais d’Yildiz-Kiosk, voir défiler sous ses yeux, à très courte distance, des canons qui, dans un moment de tension diplomatique, pourraient devenir menaçans : toute sécurité deviendrait impossible pour l’Empire ottoman, toute indépendance illusoire ; la résidence même de son souverain, le siège de son gouvernement seraient constamment à la merci d’un coup de force. Il suffit qu’une escadre franchisse un détroit mal défendu pour obliger le Sultan à toutes les capitulations : avantage singulier de la position de Constantinople ! Mais le remède, d’autre part, est à côté du mal ; menacé par terre, le Sultan peut faire appel à une escadre amie et lui ouvrir les détroits. Depuis longtemps, l’Empire ottoman aurait vécu si sa capitale au lieu d’être à Constantinople avait été quelque part dans l’intérieur du pays. Avantages ou