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pratiquaient en effet. Servir les grands intérêts du pays et laisser les candidats se débrouiller avec les électeurs, ce serait un beau et bon programme. Quoi qu’il en soit, les radicaux-socialistes et les socialistes ne sont pas satisfaits ; ils se plaignent d’être abandonnés, trahis même par le ministère, et, comme ils ont cessé d’être d’accord entre eux, l’avenir électoral les préoccupe. Quelle sera l’expression parlementaire de ces sentimens divers, confus, mais âpres et violens, nous ne saurions le dire. Nous souhaiterions au cabinet actuel d’être toujours menacé, comme celui d’hier, par des gens qui, finalement, voteraient toujours pour lui, et cela pourrait bien arriver si, au moment de livrer bataille, ses adversaires se prenaient à douter de leurs forces. Mais aujourd’hui les intentions des radicaux et des socialistes sont hargneuses, et il faut s’attendre à un retour offensif de ce que M. Combes lui-même appelle modestement le combisme. L’histoire retiendra-t-elle ce vocable ?

Nous avons dit que les radicaux et les socialistes n’étaient plus aussi complètement d’accord qu’autrefois. Ils le sont encore à la Chambre, mais non plus dans le pays. A mesure que les élections approchent, on s’aperçoit que le bloc, le fameux bloc, était beaucoup plus un instrument parlementaire qu’un instrument électoral. Il s’agissait, au cours de la législature, d’exploiter le pouvoir en commun, puisque aucun parti radical ou socialiste ne se sentait assez fort pour l’accaparer à lui seul et s’en attribuer tous les bienfaits. Mais, en face du scrutin, c’est autre chose. Les socialistes estiment qu’ils ont assez compromis et usé les radicaux pour les supplanter dans un grand nombre de circonscriptions, et, naturellement, ils se disposent à le faire. En vain la plupart des radicaux se sont-ils affublés par surcroît de l’épithète de socialistes ; les socialistes sont les premiers à dénoncer ce déguisement et à conseiller aux électeurs de ne pas s’y laisser prendre. Si on veut vraiment des socialistes, il n’y a qu’eux qui tiennent cette spécialité et qui aient la bonne marque de fabrique. En conséquence, ils ont décidé qu’ils se présenteraient dans toutes les circonscriptions où ils auraient quelque espoir de remporter la victoire, que ce fût d’ailleurs contre un radical aussi bien que contre un modéré ou un réactionnaire. La seule question qu’ils consentent à débattre est de savoir ce qu’ils feront au second tour de scrutin. Se désisteront-ils s’ils ont eu, au premier, moins de voix que le candidat radical ? Conserveront-ils le droit de maintenir leurs candidatures si grâce à des coalitions quelconques, ils peuvent encore gagner la partie ? Dans plus d’un endroit, les conservateurs aiment mieux voter