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dépense, en présence de la grandeur de l’intérêt en jeu. De ce côté, le cuirassé à grande largeur, du genre monitor, présente des facilités d’exécution beaucoup plus grandes, qui sont déjà utilisées sur le Henri IV ; des résultats sérieux ont été obtenus par des dispositions exigeant une augmentation de déplacement de moins de mille tonnes.

La protection contre la torpille-automobile, même imparfaite à cet égard, serait excellente contre l’obus-torpille.


VI

L’exposé, parvenu ici à son terme, de la transformation qui, au cours du dernier quart de siècle, a le plus accru la valeur du navire de guerre, et qui a parfois influé sur le rang des puissances maritimes dans le monde, ne prétend qu’à la sincérité. Dans son cadre restreint, il n’appelle pas de conclusions étendues. Il contient toutefois quelques enseignemens, au moins pour ce qui est du remède à l’incapacité, mentionnée plus haut, où se trouve la marine, de se suffire à elle-même et de jalonner sa voie, dès qu’il lui faut sortir d’une ornière tracée.

Comme travaux exacts, initiatives hardies, projets en avance sur ceux des marines rivales, aussi bien que comme soin dans l’exécution des travaux, nous n’avons certainement pas déchu. Il est réconfortant de voir que le vieil arbre n’a pas cessé de vivre sous le lierre et les ronces, et que la sève y circule toujours. L’art de récolter les fruits ne serait pas le plus difficile à acquérir ou à retrouver.

Il n’est pas possible, d’autre part, en suivant le récit de nos tergiversations, de n’être pas frappé de la pénurie d’hommes capables d’apprécier la portée d’un raisonnement précis, et même d’une expérience exacte, en matière d’architecture navale. Il nous faut, pour l’instant, en prendre notre parti : nous sommes loin du temps où marins et constructeurs, si légèrement chargés de bagage initial, créaient chez nous, comme en se jouant, la science sur laquelle les marines ont vécu plus d’un siècle, et où la France comptait des hommes comme Borda parmi les chefs d’escadre, et comme Bourdé de Villehuet parmi les capitaines d’une simple compagnie marchande. Le pire est que le cercle où l’on s’occupe des questions navales s’est étendu, autant que celui où on les connaît s’est rétréci. La proportion entre le nombre des