Page:Revue des Deux Mondes - 1906 - tome 31.djvu/165

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

le porte à s’y placer ; il est hissé en haut du mur et conduit dans des appartemens habités par une jeune fille d’une grande beauté. Il passe la nuit auprès d’elle, à chanter et à boire ; une autre nuit, il lui amène le khalife ; et celui-ci l’ayant admirée et ayant su qu’elle était la fille du vizir, la demande en mariage. Non moins gracieux est le récit du mariage du prince et musicien Ibrahim, fils de Mehdi. Ce personnage, étant en promenade, est attiré par une odeur agréable de mets, qui se dégage d’une maison ; il approche et, levant les yeux, il aperçoit derrière le grillage d’une fenêtre, une main et un poignet qui le ravissent. Il trouve moyen d’entrer dans cette demeure ; il se rassasie des mets dont l’odeur l’avait attiré ; il chante ; on l’admire ; après avoir demandé toutes les jeunes filles de la maison, il reconnaît la main et le poignet qui l’avaient enchanté, et il fait dresser sur-le-champ le contrat de mariage.

Beaucoup de scènes des Mille et une Nuits se déroulent, comme on sait, dans des appartemens somptueux ; nous avons tous dans la mémoire quelques-unes de ces descriptions de Galland, suffisamment voisines, en somme, du texte arabe : « La dame et le porteur passèrent dans une cour très spacieuse et environnée d’une galerie à jour, qui communiquait à plusieurs appartemens de la dernière magnificence. Il y avait dans le fond de cette cour un sofa richement garni, avec un trône d’ambre au milieu, soutenu de quatre colonnes d’ébène enrichies de diamans et de perles d’une grosseur extraordinaire, et garni d’un satin rouge relevé d’une broderie d’or des Indes, d’un travail admirable. Au milieu de la cour, il y avait un grand bassin bordé de marbre blanc, et plein d’une eau très claire qui y tombait abondamment par un mufle de lion de bronze doré. » Les jardins participent de la magnificence des demeures : « J’ouvris la première porte et j’entrai dans un jardin fruitier, auquel je crois que dans l’univers il n’y en a point qui soit comparable. La symétrie, la propreté, la disposition admirable des arbres, l’abondance et la diversité des fruits de mille espèces inconnues, leur fraîcheur, leur beauté, tout ravissait ma vue. Des rigoles, creusées avec art et proportion, portaient de l’eau abondamment à la racine des arbres qui en avaient besoin pour pousser leurs premières feuilles et leurs fleurs ; d’autres en portaient moins à ceux dont les fruits étaient déjà noués ; d’autres encore moins à ceux où ils grossissaient ; d’autres n’en portaient que ce qu’il en