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fallait précisément à ceux dont le fruit avait acquis la grosseur convenable et n’attendait plus que sa maturité. »

À ces splendeurs offertes aux regards, il faut ajouter tout l’appareil mystérieux et déjà romantique des souterrains et des trappes, des galeries éclairées par la lueur des lampes, des portes dérobées et des oubliettes. « Je remuai la terre, raconte le troisième calender, jusqu’à ce que, trouvant une pierre de deux ou trois pieds en carré, je la levai et je vis qu’elle couvrait l’entrée d’un escalier aussi de pierre. Je le descendis, et me trouvai au bas dans une grande chambre où il y avait un tapis de pied et un sofa garni de coussins d’une riche étoffe où un jeune homme était assis. »

A côté du décor travaillé de main d’homme, les Mille et une Nuits nous montrent aussi la nature, tantôt dans sa grandeur, tantôt dans sa simplicité. On rencontre, dans l’histoire « racontée par le médecin juif, » une fort belle description de l’Égypte, amenée, selon le conte, par une discussion survenue entre divers personnages sur les avantages relatifs de l’Egypte et de l’Irak. Or, il est intéressant de noter que cette comparaison entre les pays arrosés par le Nil et ceux que traverse le Tigre est un thème qui se retrouve chez les historiens et sur lequel probablement s’exerçaient les causeurs. L’historien Maçoudi nous rapporte une dispute de ce genre qui eut lieu un jour devant le khalife el-Hadi et à laquelle le khalife lui-même prit part. L’adaptation de Galland est ample et de grande allure ; cet auteur traduit ici des vers, ce qui n’est pas sa coutume : « Votre Nil vous comble tous les jours de biens, c’est pour vous qu’il vient de si loin. Hélas ! en m’éloignant de vous, mes larmes vont couler aussi abondamment que ses eaux : vous allez continuer à jouir de ses douceurs, tandis que je suis condamné à m’en priver malgré moi. » Un conte des Nuits, nouvellement publié par Seybold, contient quelques traits descriptifs brillans et agréables sur la magnifique oasis qui entoure Damas : « Il laissa alors errer ses regards sur toute ta plaine de Damas, dont les jardins, remplis de plantes et de fleurs, faisaient briller aux yeux les couleurs les plus variées : le blanc éblouissant, le jaune, le bleu, le rouge sombre et le noir, le vert luisant comme du brocart, le bleu d’azur, tandis que les demeures étaient émaillées aussi de mille nuances. C’était l’heure du matin ; toutes les fois qu’un souffle d’air bruissait, les fleurs exhalaient un arôme et des parfums délicieux. »

Les descriptions de scènes et de paysages simples ne sont