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Dans le conte suivant, qui n’est d’ailleurs qu’un doublet de celui-ci, un jeune homme riche de Bagdad loue son père « d’avoir toujours préféré une vie tranquille à tous les honneurs qu’il pouvait mériter. » Une des plus belles femmes des Mille et une Nuits, la belle Persane, raille Nour-ed-Dîn d’avoir dissipé son argent avec ses amis, en comptant sur leur reconnaissance : « Si vous n’avez d’autres ressources que la reconnaissance de vos amis, croyez-moi, seigneur, vos espérances sont mal fondées, et vous m’en direz des nouvelles avec le temps. » La discrétion, souvent compagne de l’économie, est aussi en honneur dans ce monde de féerie : le spirituel porteur, dans le conte des Trois Calenders, se vante de cacher son secret à la plupart des hommes, mais il consent à le découvrir aux sages, persuadé qu’ils sauront le garder.

Les caractères sont habilement décrits, de façon aisée et positive, sans trop d’exagération ni d’enflure ; la plupart d’entre eux demeurent très voisins de la réalité et quelques-uns peuvent être retrouvés dans l’histoire. Voici, par exemple, le mauvais juge ; c’est un caractère que l’histoire connaît ; le grave auteur Maçoudi nous parle d’un Kadi du temps de Mamoun, Yahya fils d’Aktam, contre lequel on portait plainte au khalife en ces termes : « Prince des croyans, sa conduite honteuse, ses crimes se produisent au grand jour et sont de notoriété publique ; c’est lui. Sire, qui, dans une poésie trop célèbre, chante la beauté des mignons et les range en différentes classes selon leurs qualités. » Et l’historien ajoute : « Il était si dissolu, si peu soucieux de cacher ses honteux penchans que, chargé par Mamoun de former une troupe de cavaliers destinés à porter les ordres du khalife, il la composa de quatre cents adolescens imberbes et se déshonora en leur compagnie. » Que peut après cela le conte ? Il nous montre entre autres ce juge à qui Alnachar est venu demander de régulariser la possession de meubles dont il s’est emparé à la suite de diverses aventures, comme compensation de torts graves qui lui avaient été faits. Le juge garde pour lui les meubles et donne l’ordre au demandeur de sortir de la ville et de n’y plus rentrer. Puis voici le bavard, ce barbier qui importune de ses discours le jeune homme attendu à un rendez-vous d’amour, et le poursuit de sa boutique jusqu’à la maison de son amante où il lui fait arriver les pires désagrémens ; le peureux, cet intermédiaire qui s’enfuit quand il sait que les billets