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s’accroître ; elles avaient, en 1887, 1 123 613 élèves ; en 1901, elles en comptaient 1 374 709. Ainsi, tandis qu’à partir de 1887 l’écart augmente, dans l’ensemble du pays, entre le chiffre des enfans recensés et le chiffre des enfans inscrits sur les registres des établissemens d’instruction, l’on voit, à partir de cette même date, la clientèle des établissemens libres aller croissant. Apparemment, les parens catholiques, chez qui le prêtre est écouté, comprennent et acceptent l’idée d’obligation scolaire, puisque les écoles où s’engouffre la foule enfantine sont précisément celles qui satisfont à leurs susceptibilités ; et les statistiques, par surcroît, constatent que l’assiduité scolaire laisse moins à désirer dans les écoles libres que dans les écoles publiques. Il est d’ailleurs assez étrange que les mêmes publicistes qui se plaignent à d’autres heures de voir le clergé ouvrir trop d’écoles rendent ce même clergé responsable des insuccès constans et progressifs auxquels s’est heurté le principe de l’obligation scolaire. L’exemple du Morbihan, où l’instruction est peu recherchée, est notoirement insuffisant pour faire prévaloir leur thèse ; s’ils veulent bien observer que l’arrondissement de Rochechouart, tristement réputé pour le nombre de ses illettrés, ou que le département de la Creuse, qui n’a pour ainsi dire ni caisses d’école ni commissions scolaires, se distinguent de longue date, au moment des périodes électorales, par leurs votes « républicains, » il faudra bien convenir, immédiatement, que c’est une fraction de la démocratie républicaine, — et de la démocratie la plus avancée, — qui semble le plus insouciante des bienfaits de l’école, et que les éloquentes avances de Jules Ferry, indiquant à tous les petits Français un banc et un pupitre, ont trouvé, parmi certaines populations dont les députés siègent à l’extrême-gauche, un accueil singulièrement froid.

Au lieu de rejeter sur le curé, comme le ferait volontiers la Ligue de l’Enseignement, la responsabilité (de certains insuccès, quelques inspecteurs d’académie invitent les instituteurs à faire retour sur eux-mêmes et à s’accuser eux-mêmes. « L’influence du maître, écrit en excellens termes M. Bruneau, inspecteur d’académie de la Creuse, suffit à assurer une fréquentation régulière. » C’est une sage et juste remarque, que beaucoup d’excellens instituteurs ont vérifiée : en aimant leur métier, ils faisaient aimer l’école. Jules Ferry avait raison, lorsque, pour attirer et pour retenir le petit Français sur les bancs des classes, il souhaitait