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Page:Revue des Deux Mondes - 1906 - tome 31.djvu/191

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de créer un corps de maîtres vraiment attachés à leur tâche. Entre la question de la fréquentation et la question des vocations pédagogiques, il discernait un lien : il sentait que l’instituteur qui aurait le goût d’être instituteur éveillerait chez l’écolier le goût d’être écolier. Le problème de l’assiduité scolaire nous achemine, tout naturellement, vers l’autre problème du recrutement des écoles normales, qui préoccupait également l’auteur de nos lois d’enseignement, et, sur ce nouveau terrain, nous trouverons la pensée de Jules Ferry aux prises avec l’ingratitude croissante des circonstances, avec le mauvais vouloir croissant des hommes.


II

« Le pays républicain n’a pas compris, écrivait en 1903 M. Ferdinand Buisson, ou il a déjà oublié, ce que doit être l’école normale d’instituteurs ou d’institutrices dans notre outillage national ; on a fait sur leurs budgets les plus insensées et les plus ruineuses des économies. On continue dans une partie de la France à entretenir des écoles normales qui fournissent à peine la moitié des maîtres ou des maîtresses dont le département a besoin. L’autre moitié se forme où elle peut, comme elle peut. Et elle entre dans les cadres aussi vite, quelquefois plus vite, que les élèves sortans des écoles normales. » D’un mot, M. Ferdinand Buisson résumait cette situation ; il parlait du péril primaire. Le mot fit fortune ; on s’y heurte sans cesse, aujourd’hui, dans les revues pédagogiques et dans les documens parlementaires ; et les projets abondent, très complaisans, très alarmés, pour remédier à la disette des instituteurs, et même pour la prévenir.

Nous observions tout à l’heure que l’assiduité des écoliers alla croissant durant les cinq ou six années qui suivirent la promulgation de la loi, et puis qu’un mouvement de décroissance progressive se dessina. Il semble que l’attrait des jeunes gens vers les écoles normales ait subi ces mêmes vicissitudes de flux et de reflux. De 1880 à 1886, on comptait, annuellement, de 5 à 6 000 candidats ; le chiffre précis, pour l’année 1887, était de 4 638 ; brusquement, en 1891, il descendit à 2 034 ; et l’école normale, depuis lors, a cessé de sourire aux ambitions juvéniles. La France républicaine est l’un des pays où les fonctions d’instituteur