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siège en face de la station de Shaho-pou, dépôts de munitions dans les tranchées, chemin de fer à voie large, parallèle au front de l’armée, reliant la région au Sud de Moukden à Foushoun au centre de la gauche ; réseau téléphonique entre les ouvrages et les quartiers généraux, projecteurs électriques, observatoires en charpente, hauts de 21 mètres, échelonnés le long des lignes ; rien n’a été négligé. L’armée russe a 60 000 hommes de plus que l’armée japonaise. Depuis le 25 février jusqu’au 4 mars, elle combat avec la plus grande énergie, multipliant partout les contre-attaques de jour et de nuit. Mais, à cette dernière date, sa droite, étant débordée, recule et forme un flanc défensif. Son front de bataille prend la forme des deux branches d’une équerre. Dans la nuit du 8 au 9, sa ligne de communication au Nord de Moukden est tellement menacée, que la retraite s’impose. Le 9, l’extrême droite est débordée à son tour, et le 10, une partie des troupes de Kaulbars et de Bilderling prises entre deux feux, par une troupe japonaise qui a profité d’un vide entre les deux armées, subit un désastre. Les pertes s’élèvent à 26 500 tués, 90 000 blessés et 40 000 prisonniers. Soit un total de 156 000 hommes. Les rapports japonais accusent une perte de 46 500 hommes. La défaite russe est donc complète. Il est permis d’affirmer qu’une des principales causes réside dans l’emploi défectueux de la cavalerie.

Le général Kouropatkine n’a rien pu voir, disent les rapports ; il manœuvrait dans le noir. Il a été trompé par le secret et la célérité des mouvemens de l’ennemi, comme par les déductions erronées fondées sur les opérations précédentes. Les régions montagneuses de l’Est paraissaient devoir attirer les principales forces japonaises habituées à se mouvoir dans des régions coupées et difficiles. Depuis la bataille du Yalou, jusqu’à celle du Chaho, l’état-major russe constatait que, si les Japonais étaient libres de leur choix, ils utilisaient de préférence les régions accidentées. Lorsque le grand mouvement tournant contre la gauche japonaise fut, à la fin de janvier, exécuté par les généraux Kaulbars et Gripenberg, à travers les grandes plaines du Liaho et du Hunho, et bien que la victoire de Haïkantaï fût restée aux Japonais, on admit que ceux-ci paraissaient avoir montré, soit une certaine hésitation, soit, de l’inaptitude aux combats de plaine. Ainsi le général Kouropatkine était amené à penser que l’attaque principale se ferait par la région à l’Est et Sud-Est de