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Page:Revue des Deux Mondes - 1906 - tome 31.djvu/332

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la plus proche où ils se couchent à terre. Leurs fractions les suivent, sans observer, aucun ordre, chaque homme ayant pour unique préoccupation d’arriver le plus vite possible à l’endroit où il pourra s’aplatir. Je fixe ma lorgnette sur une de ces sections. Elle traverse d’abord une plantation de sorgho sans être découverte par l’ennemi, mais la voici qui débouche dans un champ de fèves. Les points jaunes se précipitent, un homme tombe, se relève, fait quelques pas, puis retombe définitivement. Deux autres se tordent à terre, un quatrième tâche vainement de regagner le couvert que ses camarades viennent de quitter, il roule à côté des trois autres blessés. Maintenant, devant toute la position russe, on distingue le fourmillement khaki se rapprochant par bonds. Les hommes suivent le chef, le chef choisit l’abri en avant et le cheminement à suivre pour s’y rendre. Souvent, profitant de couverts favorables situés en dehors de leur axe de marche, on voit des groupes obliquer à droite et à gauche, prendre la même route que la fraction voisine et revenir ensuite à leur direction primitive. Aussi, dès le premier arrêt, le bel alignement du début est brisé. On aperçoit les sections disséminées sur le glacis, les unes couchées, d’autres rampant, d’autres en pleine course. Les neuf cents mètres à parcourir jusqu’aux défenses accessoires des Russes, sont franchis de la sorte et c’est là seulement que ce qui reste de la première ligne japonaise, se reforme à l’abri du talus de terre maladroitement élevé par les Russes pour protéger leurs fils de fer.

« Lorsque la première ligne d’assaillans est arrivée à moitié chemin de son objectif, la deuxième ligne quitte à son tour les tranchées où elle est restée abritée et se lance sur le glacis, utilisant le terrain et marchant comme la première. La troisième ligne suit la seconde et ainsi de suite. Six colonnes successives montent la côte semée de cadavres et de blessés et l’une après l’autre viennent s’abriter derrière le talus protecteur à 100 mètres des tranchées ennemies. Pendant ce temps des volontaires coupent les fils de fer sous la bouche même des fusils russes. En rampant, ils réussissent à ouvrir des passages à travers les défenses accessoires, mais bien peu de ces héros rejoignent leurs camarades ! La compagnie portée à côté de moi tire aussi vite qu’elle peut, les Russes augmentent également l’intensité de leur feu, les hommes tombent autour de nous. Mais on n’entend plus ni