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le sifflement des balles, ni le crépitement de la mousqueterie, ni les grondemens plus lointains du canon. Debout maintenant pour mieux voir, nous n’avons d’attention que pour le combat acharné qui se livre à 800 mètres de nous. Toute la ligne japonaise est illuminée par l’éclair de l’acier sortant des fourreaux. C’est la dernière phase, c’est l’assaut. Les officiers une fois de plus quittent l’abri au cri de « banzaï ! » répété par tous les assaillans. Ils progressent péniblement, mais sûrement, malgré les réseaux de fil de fer, les trous-de-loup et la fusillade inexorable ; des unités sont détruites : d’autres les remplacent ; le flot s’abat par instans, mais avance toujours. Les voilà à quelques mètres des tranchées. Alors du côté russe, la longue ligne grise des fusiliers sibériens se dresse à son tour, envoie une dernière salve sur l’ennemi et descend en courant le revers de la montagne. Notre compagnie redouble son feu sur l’adversaire en retraite, puis elle quitte ses abris et court à la poursuite. Le feu de la position en échelon nous prend en flanc. La compagnie est décimée en un instant. Le capitaine a son képi traversé par une balle, le sous-lieutenant est blessé à la main, le lieutenant tombe raide, la tête fracassée. Les sous-officiers ramènent péniblement leurs sections derrière la crête protectrice, mais la bataille est gagnée, l’assaut a duré exactement une heure dix minutes. Les Russes ne tiennent plus que quelques points de la ligne pour opérer leur retraite à la faveur de la nuit. »

Marcher et attaquer la nuit, se terrer pendant le jour, telles sont les caractéristiques essentielles de la tactique actuellement imposée par la puissance des armes. Dans l’offensive, l’outil de pionnier est devenu indispensable à chaque fantassin. Il doit être exercé à creuser la terre en restant couché et à s’enfoncer ainsi peu à peu jusqu’à ce qu’il soit abrité. Les tranchées creusées par les lignes avancées sont successivement occupées par les réserves. Enfin, pour la première fois, on a vu apparaître le bouclier d’acier servant à protéger les hommes chargés de couper les réseaux de fil de fer. A la bataille de Moukden, comme le terrain était gelé, l’infanterie fut pourvue de sacs de sable que les hommes plaçaient devant eux.

La forme générale des attaques n’a jamais varié. Les efforts successifs, répétés avec acharnement, ont seuls été employés. Quelquefois ils ont pu briser les plus énergiques résistances. On peut citer comme exemple les attaques de nuit du 4 mars à