Page:Revue des Deux Mondes - 1906 - tome 31.djvu/425

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Li respont et sans orguel :
« Sans amour ne sui je mie,
Ce tesmoignent mi oel.
Bon jour ait ki mon cuer a,
N’est pas od moi ! »
Pleüst Dieu ki aine ne menti
Que li miens amis fust or ci
A séjour !
Si j’avoie une nuit s’ amour,
Bien vauroie morir au jour !

8. — LE JEU DU GUETTEUR

La chanson Gaite de la tor, qui est d’un si joli mouvement, est une sorte de logogriphe. Comme pour Bele Aelis, l’unique manuscrit qui nous l’a conservée ne donne aucune indication sur les personnages, ni sur la mise en scène, ni sur la distribution du dialogue. On en a proposé jusqu’à sept interprétations[1], dont aucune ne semble valable, étant constant d’ailleurs que cette pièce, qui ne paraît être ni incomplète, ni altérée, n’a pas été rimée exprès pour donner de la tablature aux critiques. Elle devrait se comprendre d’emblée ; et pourtant, au moyen âge comme aujourd’hui, elle restait nécessairement obscure à qui la lisait ou l’écoutait. C’est peut-être qu’elle a été faite non pour être lue ni écoutée, mais pour être jouée et regardée. Je suppose que nous sommes ici en présence (comme pour la pièce de Baude de la Quarière) d’un menu spectacle dramatique, d’une pièce de ballet. C’est le « jeu du guetteur. » Que certaines danses du moyen âge aient introduit une gaite, c’est-à-dire un veilleur de nuit, comme personnage typique, c’est ce que nous apprennent très sûrement quelques textes. En deux pastourelles, des bergers organisent des danses, où l’un d’eux joue le rôle du guetteur :


<poem>L’autre jor par un matin. Soz une espinete, Trovai quatre pastorins : Chascuns ot musete, Pipe, flajot ou fretel. La muse au grant challemel A li uns fors trete ; For comencier le rivel, Contrefist la guete[2]...

  1. Voyez G. Schläger, Studien über das Tagelied, Iéna, 1895.
  2. Bartsch, Romances, II, 30.