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Page:Revue des Deux Mondes - 1906 - tome 31.djvu/484

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structeurs français cesserait immédiatement, aussi bien celui des nouveaux que des anciens instructeurs à créer dans les ports et à la cour chérifienne, » Eh bien ! voilà la méthode que nous nous sommes proposée en toutes choses. Elle avait pour but d’aider le Sultan à organiser ses troupes, ses finances, ses douanes, qui servaient de garantie aux emprunts qu’il nous avait faits ; et, lorsque le Sultan aurait été à même de se passer de notre concours, nous nous serions peu à peu effacés. Certes, le souvenir du service rendu et notre voisinage algérien nous auraient conservé une situation prépondérante auprès du gouvernement marocain ; mais nous l’aurions méritée et l’intérêt général en aurait bénéficié. L’œuvre était commencée ; l’intervention allemande l’a brusquement interrompue. Il est absolument inexact que le Maghzen n’avait pas accepté, à ce moment, quelques-unes de nos suggestions : nous citerons, par exemple, l’organisation de la police à Tanger sur laquelle nous étions déjà d’accord. Depuis, le Sultan a dit le contraire ; que n’a-t-il pas dit ? que ne lui a-t-on pas fait dire ? Mais c’est un échafaudage bien fragile que celui de ses allégations, et nous y opposons hardiment celles de nos agens et de notre gouvernement. Entre les unes et les autres, le monde jugera.

Il n’y a qu’une chose que nous ne voudrions pas faire : c’est opposer le Livre Jaune au Livre Blanc, ou le Livre Blanc au Livre Jaune. Quoi de plus stérile que ces polémiques ? Regardons l’avenir et non pas le passé. Nous allons à la Conférence, forts des intérêts et des droits qui nous ont été reconnus par les puissances, sans en excepter l’Allemagne : elle a reconnu nos intérêts exclusifs sur la frontière et spéciaux au Maroc. Cela nous suffit. Nos intérêts sur la frontière et les droits qui en résultent échappent d’ailleurs à la compétence de la Conférence : tout cela a été réglé depuis soixante et quelques années par des traités et des arrangemens successifs que le Sultan, agissant dans sa pleine souveraineté, a faits avec nous qui agissions dans la nôtre. Pour le reste, nous verrons ce que la Conférence en décidera. Il est bien entendu que ses décisions doivent être prises à l’unanimité, et qu’il y faut par conséquent notre adhésion comme celle de tous les autres. Nous avons d’ailleurs le ferme espoir que la Conférence aboutira. Il serait déplorable que les grandes puissances du monde se fussent réunies pour constater leurs divisions et leur impuissance. Nous repoussons loin de nous l’esprit d’intransigeance ; il n’a jamais été le nôtre ; mais nous avons quelque droit, après avoir donné tant de preuves de bonne volonté, de rencontrer de la part de tous le même esprit conciliant.