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Lettow parle souvent dans son ouvrage, — elle s’est manifestée, encore une fois, par la rapidité et l’art avec lesquels le duc a fait publier son rapport sur la bataille. Dès le 1 9 au matin, il était à Bruxelles pour achever et expédier ce rapport au ministre des Affaires étrangères d’Angleterre. Ce document a longtemps fait foi en Angleterre. Il exalte les hauts faits des Anglais, tout en reconnaissant que les Prussiens ont rendu des services.

Le rapport prussien de Gneisenau est plus exact. Il fait mieux ressortir l’utilité décisive de l’intervention des Prussiens.

Quant au vieux Blücher, il écrivit à Knesebeck[1] :

« Mon ami, la plus belle bataille a été livrée ; la plus belle victoire a été remportée. Je pense que l’histoire de Bonaparte a pris fin. — La Belle-Alliance, le 19 au matin. — Je ne puis pas en écrire plus long, car je tremble de tous mes membres. L’effort a été trop grand. »

Du côté français, après avoir constaté que l’attaque a commencé trop tard, Lettow fait remarquer que la direction de la bataille et des vaillans efforts de l’armée impériale s’est ressentie de ce que, dès le début de l’action. Napoléon a dû être préoccupé surtout de ce qui se passait sur son flanc droit menacé par les Prussiens...

Il est loin de blâmer la résolution suprême de l’Empereur de faire intervenir la Garde impériale contre le centre anglais, même après les échecs des attaques acharnées, commandées si énergiquement par le maréchal Ney. A ce moment. Napoléon « devait se dire[2] que, le lendemain, il aurait sur les bras les deux armées réunies, tout entières, de Wellington et de Blücher, et qu’il pourrait difficilement leur résister même avec l’appoint de Grouchy. Il lui était impossible de faire traîner la guerre. Il saisit la seule chance qu’il avait encore d’obtenir une décision favorable. Il était sept heures ; il lui restait deux heures de jour. Il résolut de pousser sur Wellington sa Garde, ses « invincibles. »

Il ne lança pas dans la mêlée tous les bataillons de la Garde qui formaient alors sa seule réserve. « Le grand joueur n’engagea pas témérairement le tout sur une seule carte ; il se préoccupa aussi d’assurer dans tous les cas sa ligne de retraite menacée par les Prussiens. Quoi qu’il en soit cette résolution

  1. Napoleons Untergang, p. 447.
  2. Ibid., p. 434.