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Page:Revue des Deux Mondes - 1906 - tome 31.djvu/836

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« Madame ma sœur et cousine, c’est avec un mélange de plaisir et de sentimens pénibles que je me suis acquittée auprès du Roi de la commission dont Votre Altesse Royale a bien voulu me charger. Sans doute, au moment de la demande, elle s’est dit la réponse et, quand je vous affirmerai, madame, que votre séjour en Prusse ne dépend que de vous, et dès à présent nous honore, je ne vous aurai rien appris dont vous nous ayez fait l’injure de douter.

« Votre Altesse Royale voyage dans une saison fatigante et sous un ciel auquel elle n’est pas accoutumée. Je la supplie de ménager sa route afin de ne pas trop s’en ressentir. Il faut beaucoup de santé quand il faut tant de courage, et j’apprendrais avec douleur qu’entourée d’intérêt et d’estime comme vous le serez partout en Prusse, vous y fussiez venue chercher des peines nouvelles. »

On ne saurait mettre à un bienfait plus de bonne grâce. De femme à femme, le cœur seul avait parlé. Il n’en était pas tout à fait de même dans la réponse du roi de Prusse à Caraman. En faisant droit à la requête du monarque proscrit, il avait stipulé des réserves, invoqué la raison d’Etat. Vivant en paix avec le gouvernement consulaire, il ne voulait pas lui fournir matière à griefs. Aussi avait-il posé des conditions. Son frère et cousin pourrait résider à Varsovie. Mais il devait s’engager à n’y pas tenir de cour, à y vivre dans un strict incognito ; rien qui rappelât le roi de France. Ce n’était pas à celui-ci qu’était accordé un asile en Pologne, mais au comte de l’Isle. À ce prix, à ce prix seulement, le roi de Prusse répondait de la tranquillité de son hôte.

Louis XVIII avait prévu ces conditions. Résolu, à s’y conformer, il poursuivait aussitôt sa route. Le 25 février, il faisait part à sa femme de son arrivée à Kœnigsberg. « Nous sommes arrivés ici hier, après avoir passé le Haff sur la glace, non sans quelque inquiétude de Mme de Sérent ; ensuite cet ennuyeux Strand en vingt-quatre heures. Nous étions tous un peu las en arrivant ; mais nous nous sommes bien reposés aujourd’hui. Après-demain, nous nous remettrons en route et, Dieu aidant, nous serons mardi à Varsovie. Ce n’est pas, comme vous sentez, le terme de nos courses ; mais nous nous y reposerons quelque temps, et puis nous irons chercher un autre gîte et puis un autre, et puis, et puis, etc., jusqu’à ce que j’aie trouvé celui où