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7500 à 15 000 francs par an ; il en existe 61000 jouissant de 15000 à 40000 francs et 14100 dépassant ce dernier chiffre. Combien y en avait-il, parmi les sujets de François Ier ou de Louis XIV, en tenant compte de la différence de population à chaque époque, qui appartinssent à ces diverses catégories ?

En Languedoc, où l’on comptait 400 000 feux, il n’y avait pas 15 familles, d’après le mémoire de l’intendant Basville en 1698, qui eussent 70000 francs de rente, et très peu, dit-il, qui en approchassent, à l’exception de quelques grands seigneurs qui sont à la Cour. En effet, la plupart des riches français, d’église ou d’épée, nobles ou bourgeois, habitaient en 1700 Paris ou Versailles. Les rapports des intendans, en chaque province, sont unanimes à constater leur absence.

Aussi bien la moitié de nos riches contemporains habitent la capitale et sa banlieue. C’est à Paris que vivent en 1905, au moins une partie de l’année, les grands industriels, banquiers, commerçans, et leurs héritiers directs ou collatéraux, — les grosses fortunes, à l’exception de trois ou quatre patrimoines aristocratiques qui remontent aux fermiers généraux, étant toutes récemment gagnées. — C’est à Paris que sont les grands avocats, les grands médecins, les grands artistes, l’élite de toutes les professions libérales et celle des fonctionnaires à larges traitemens. Il en était de même à la fin du règne de Louis XIV : c’était à Paris et à Versailles que vivaient les seigneurs grassement pensionnés sur la cassette royale, les détenteurs des charges insignes de la Cour, les prélats « farcis de bénéfices, » les présidens et conseillers de cour souveraine dont les offices valaient des millions, les gens de finance, fermiers et caissiers des impôts et même les merciers-grossiers, bons négocians de la rue Saint-Denis, timides ancêtres de nos magasiniers-géans.

A Paris donc étaient concentrés, il y a deux siècles, ainsi que de nos jours, bien que d’autre façon et pour d’autres causes, le plus grand nombre des riches français ; mais aujourd’hui la contribution personnelle-mobilière du département de la Seine équivaut, à elle seule, à plus du quart de cet impôt dans la France entière ; tandis qu’en 1703, la capitation de la « généralité de Paris, » — c’est-à-dire de 6 à 7 départemens actuels, — ne représentait pas le dixième de l’ensemble de la capitation du royaume. Cette différence de proportion, dans la part de la