Page:Revue des Deux Mondes - 1906 - tome 32.djvu/541

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
LES JOURNEES
ET
LES NUITS JAPONAISES

III[1]
L’ILE DES SATSUMA

La grande île de Kiushu, l’île des Satsuma, a été la plus féconde en hommes de guerre et en hommes d’État, et, pendant longtemps, la plus récalcitrante aux nouveautés de l’Europe. C’est la plus proche aussi de la Corée, éternel objet des convoitises japonaises. Elle vit partir jadis des expéditions fameuses et les vit revenir décimées, mais avec une cargaison d’oreilles et de nez coréens qu’on enterra, au centre de Kyoto, sous un pinacle de pierre. Ce monument de sauvagerie porte le doux nom de Mimizuka, et je n’en sache pas qui, depuis trois siècles, ait été plus pieusement entretenu. En 1877, l’île fut livrée aux atrocités d’une guerre civile où les troupes impériales inaugurèrent la tactique européenne. Les étrangers n’en connaissent d’ordinaire que Nagasaki et ses environs ; mais tous ceux qui l’ont visitée en remportent l’image d’un Japon plus rude, où la politesse et l’élégance des provinces centrales ne masquent plus la pauvreté de la vie et la brutalité de l’orgueil.

  1. Voyez la Revue du 1er février et du 1er mars.