Page:Revue des Deux Mondes - 1906 - tome 32.djvu/651

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
L’ART FRANÇAIS
DE
LA FIN DU MOYEN AGE

L’IDÉE DE LA MORT ET LA DANSE MACABRE


I

Jamais la mort n’a été revêtue de plus de pudeur qu’au XIIIe siècle. On n’imagine rien de plus pur, de plus suave, que certaines figures gravées sur les dalles funéraires ou couchées sur les tombeaux. Les mains jointes, les yeux ouverts, ces morts jeunes, beaux, transfigurés, semblent déjà participer à la vie éternelle. Telle est la poésie dont les nobles artistes du XIIIe siècle ont paré la mort : loin de la faire craindre, ils la font presque aimer.

Mais voici qu’à la fin du XIVe siècle, la mort se montre soudain dans toute son horreur. Il y a dans la chapelle épiscopale de Laon une étonnante statue tombale. C’est un cadavre nu qui ne se décompose pas, mais qui se dessèche. Cette pauvre figure, moitié momie, moitié squelette, cache sa nudité de ses mains osseuses. La détresse, l’abandon, le néant de ce mort sont inexprimables. Quel est l’homme sincère qui a voulu être représenté sur son tombeau tel qu’il était dans son cercueil ? C’est un médecin illustre du XIVe siècle, Guillaume de Harcigny. Élève des Arabes et des écoles d’Italie, il passait pour l’homme le plus habile de son temps. Il soigna Charles VI au début de sa folie et calma la violence de ses premiers accès. Il mourut en 1393.