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Milcent, Welche, A. de Fontgalland, Delalande, le marquis de Vogué, de Gailhard-Bancel, Courtin, le comte d’Hespel, etc., comprirent aussitôt quel parti on pouvait tirer de la situation : ils se mirent à l’œuvre et prêchèrent avec ardeur la croisade des syndicats agricoles. Véritable Pierre l’Ermite de l’idée, M. Deuzy parcourait la France, annonçant la bonne nouvelle, stimulant les indécis, réveillant de sa torpeur la nation rurale, sonnant en même temps la charge et la victoire. Agir, agir sans cesse, donner l’exemple du dévouement, prendre partout l’initiative, marcher sagement, progressivement, se cantonner sur le terrain purement agricole et économique, tel est le programme. Rien de plus simple que les formalités à remplir : réunir les agriculteurs d’un canton dans un local quelconque, faire approuver et signer les statuts, nommer un bureau, et voilà le syndicat formé ; pour qu’il ait la personnalité civile, il suffira de déposer à la mairie les statuts avec les noms des directeurs ; le plus souvent la cotisation ne dépasse pas deux francs. Les groupes cantonaux peuvent se concerter pour constituer le syndicat départemental. Aucune obligation de débuter par le canton plutôt que par la commune ou le département. Les uns estiment qu’il vaut mieux aller du petit au grand, que le syndicat doit se mouvoir dans un cercle restreint, entre gens du même terroir, ayant un intérêt identique ; les autres veulent une sphère plus étendue : les deux modes ont leur raison d’être, et tous les types ont réussi. Il y a en agriculture des intérêts généraux et des intérêts particuliers qui exigent des instrumens appropriés : pour les premiers, la puissance sera en raison du nombre ; les seconds réclament une solidarité plus étroite, une plus grande intimité ; à chacun son genre, à chacun sa tâche. Il faut s’accommoder aux circonstances, aux besoins de chaque région, imiter les époux qui se marient, réviser le contrat de mariage en y introduisant ou retranchant certaines clauses au gré de leurs intérêts, de leurs inclinations. L’outil est forgé : il se prête aux modifications avec une rare souplesse.

L’Assemblée Constituante de 1789 avait anéanti les corporations, défendu de les rétablir sous une forme quelconque, sacrifié l’intérêt collectif comme l’ancien régime avait méconnu l’intérêt individuel, en édictant cette loi de 1791, surnommée la loi martiale de l’industrie. En fait, grâce à la législation de 1852 sur les sociétés de secours mutuels, à celle de 1864 accordant la faculté