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Raphaël, ou de Léonard, « Leur biographie n’eût été qu’une partie de celle de Michel-Ange. Sa force surpasse la leur. Lui seul a pris part à l’œuvre commune de son peuple. Sa longue vie même est une : part de sa grandeur. Comme Gœthe, il a savouré dans sa vieillesse l’immortalité de sa jeunesse... Il fut une des forces naturelles de l’Italie. » Cela est vrai. Michel-Ange résume tout son temps. En 1500, il a vingt-cinq ans. Il meurt en 1564, à quatre-vingt-neuf ans. Ainsi cette vie est le tableau de l’Italie au XVIe siècle. C’est ce tableau magistral, ce morceau grandiose, peint avec une maîtrise où le fini de chaque détail ne le cède qu’à l’ampleur de l’ensemble, avec cette figure colossale au centre, qui fait du Michel-Ange de Grimm, un maître monument, un chef-d’œuvre à la hauteur du modèle.

C’est donc, au début, l’histoire, à grands traits, de Florence ; l’origine des Médicis ; l’état de la ville, des esprits et des mœurs au temps de la naissance du jeune Buonarroti. Puis, tout au long du livre, à mesure que les œuvres naissent sous la formidable main du maître, l’histoire de leur apparition, le moment précis où elles s’élèvent, avec tout le relief des alentours et le « rendu » même de l’atmosphère du temps, tandis que, chacun à leur heure, accompagnés de leurs fidèles, apparaissent tour à tour les élus de l’art, les fils glorieux de cette Renaissance que la statue du demi-dieu Michel-Ange, pareil à son Moïse, domine de toute sa hauteur : Andréa del Sarto, Filippino Lippi, Ghirlandajo, Botticelli, Léonard, Raphaël, le Titien, Sébastien del Piombo, le Pérugin, pour ne citer que les noms du livre d’or de l’art. Tous les matériaux de cette biographie furent recueillis sur les lieux mêmes, à chaque coin de cette Italie qu’Hermann Grimm aimait comme la seconde patrie de son âme, où il revint souvent, où il vit mourir sa femme, dans cette Florence bien-aimée... « Il y a des syllabes qui résument à elles seules tout un monde. Athènes ! et voici, toute l’idéale grandeur antique apparaît dans la fulguration d’un éclair. Florence ! — et c’est la splendeur et la passion de l’Italie à son apogée. » — Pourquoi Florence, pourtant ? Rien ne la désignait à ce rôle souverain. Athènes était riche et puissante, et à la tête d’une politique presque « mondiale. » Mais Florence ? Naples est mieux située, au bord de la mer ; et aussi Gênes. Venise et Rome étaient alors des puissances politiques. Pise et Milan, elles-mêmes, ont alors une histoire politique plus importante. Et pourtant, pendant trois siècles, de 1250 à 1530, Florence est le phare artistique et intellectuel