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Cette Vénus antique « que nous dit-elle ? se demande Grimm. Tout parle en elle ; pas son visage seulement, toutes les lignes qui descendent de son cou sur son sein et son corps se reflètent dans nos yeux, comme les strophes d’un poème se coulent dans notre oreille... Mais que disent-elles ? Elles nous disent ce qu’Homère, Eschyle et Sophocle nous disent : de beaux contes, des poésies enchanteresses sur la beauté d’un peuple disparu et la splendeur de son être... Mais tout cela est passé. Elles ne nous mettent plus ni le bonheur, ni l’amour, ni la terreur dans l’âme. Pas un vers de Sophocle ou de Pindare ne nous touche le cœur, comme un mot de Gœthe ou de Shakspeare... Formes merveilleuses, mais des ombres !... » Et H. Grimm a ce mot ingénieux, sur la sérénité d’âme des anciens : L’addition de leur vie tombait toujours juste.

Nous ne suivrons pas le biographe de Michel-Ange dans son étude sur le Jugement dernier, cette « seconde révélation de l’œuvre de Dante. » Nos lecteurs n’auraient plus guère à apprendre sur ce sujet après ce que M. Klaczko a dit, ici même, de l’éternelle leçon de beauté qui tombe de la voûte de la Sixtine[1]. Nous, n’avons pas à dessiner non plus, après Grimm, la belle et touchante figure de Vittoria Colonna, noble entre toutes les femmes, par la noblesse de l’âme et du sang — qui, avec Renée de France et Marguerite d’Angoulême (la « Marguerite des Marguerites ») forme le triumvirat glorieux des femmes de la Renaissance, — Vittoria Colonna, la seule femme pour qui s’émut jamais, dans une amitié fraternelle mêlée d’adoration, l’âme dure et renfermée du robuste et chaste athlète de l’art. Mais il y a un côté, toute une grande partie du génie de Michel-Ange, que Grimm a mis le premier admirablement en lumière ; c’est Michel-Ange architecte, qui bâtit les terrasses du Capitole, la corniche du palais Farnèse, et qui est chargé, après la mort du successeur de Bramante, San Gallo, de tracer le plan de la coupole de Saint-Pierre de Rome, dont il achève le modèle complet, en relief, à quatre-vingt-trois ans, et qu’il a la joie de voir commencer à s’élever avant de mourir. Il y a là quelques pages sur l’architecture, d’où elle vient, ce qu’elle est, ce qu’elle peut exprimer, ce qu’elle veut réaliser, pourquoi elle naît et fleurit chez certains peuples et pas chez d’autres, qui sont parmi les meilleures pages de critique de H. Grimm :

  1. Voyez la Revue des 1er mars, 15 déc. 1896, et 15 avril 1897.