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… L’architecture ne se rencontre que chez les peuples qui ont aimé et vénéré le sol auquel ils étaient attachés. Là encore, nous trouvons la différence fondamentale entre les peuples germains et les peuples romains. L’Allemand sent sa patrie partout où il a ses compagnons autour de lui. Le Welche se cramponne au champ sur lequel il est né. Où est sa ville natale, là est sa demeure, et quand bien même tous les habitans en auraient disparu... Et de même le Grec, le Romain, l’Égyptien. Ils se sentent liés par toutes les fibres de leur être à leurs prairies et à leurs montagnes, en sorte que chaque rocher, chaque arbre, chaque source, en même temps que la demeure d’une divinité, leur apparaît comme une partie d’eux-mêmes ; tandis que les dieux des Germains habitent dans les nuages, et s’en vont avec leur peuple, là où leur peuple porte ses pas. De là, chez ces premiers peuples qui communient avec le sol qui est leur patrie, lardent désir de rendre visible aux yeux de tous leur union avec leur sol, de l’immortaliser par des monumens sacrés... Ainsi l’architecture naît, et voici les Pyramides, les obélisques, les temples égyptiens et les temples grecs,. et l’Acropole, et le Capitole... Où Pallas Athéné eût-elle pu être chez elle, sinon sur l’Acropole ? L’architecture est le premier et le plus ancien des arts ; mère de la peinture et de la sculpture par le besoin d’orner les murs du temple ; mère de la poésie et de la musique par les processions sacrées qui y déroulent leurs anneaux... La sculpture et la peinture marchent de pair avec la culture esthétique des peuples ; l’architecture avec leur état politique... Ce que Michel-Ange avait à traduire aux yeux de son peuple, et ce qu’il a voulu exprimer par la coupole de Saint-Pierre, c’est la Rome pontificale, dominatrice du monde après la Rome impériale... Le gothique n’avait pas touché Rome, où trop de monumens antiques étaient encore debout. La Renaissance y renouait sans peine, à travers les siècles, la tradition antique... La coupole de Saint-Pierre est bien la mesure de la hauteur du géant Michel-Ange.


II

Le livre sur Michel-Ange était le fruit de plusieurs années d’étude sur les lieux mêmes, et le magnifique souvenir qu’Hermann Grimm rapportait de ses longs séjours en Italie. De retour en Allemagne, il fonda et dirigea seul, pendant deux ans, un recueil qu’il ne put continuer, la Revue des artistes et des œuvres d’art (1865-66). Nommé, en 1873, professeur de l’histoire de l’art à l’Université de Berlin, à côté de nombreux « essais » sur des sujets d’art, il voulut choisir, dans le domaine littéraire, une matière digne de ses efforts, et qu’il put marquer à sa grille. Comme il était allé tout droit au géant de l’art plastique, il alla