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arrivée en France, depuis 1601. Elle remboursa à ses trésoriers leurs avances, ordre étant simplement donné à la chambre des comptes d’avoir à décharger M. Florent d’Argouges des sommes indiquées, sans justification, sans bordereau, sans pièce de comptabilité, « car tel est notre plaisir, » achevait le mandement royal.

Puis, Marie de Médicis a beaucoup donné. Aux prises avec les égoïsmes des grands, leurs humeurs difficiles, leurs ambitions brouillonnes, elle calma les colères et les révoltes à force de dons d’argent. Au 14 décembre 1613, au bout de trois ans de gouvernement, le total de ses dons vérifiés s’élevait au chiffre de 9 600 000 livres ! Ce maniement de fonds qui intéressait surtout la tranquillité de l’État regardait évidemment l’Épargne, le trésor, et ne devait pas atteindre en principe le budget personnel de la princesse, La démarcation entre « les cadeaux » de la reine et les « concessions d’argent » de la régente n’étant pas précise, l’obligation où s’est crue la souveraine de donner a certainement contribué à obérer ses finances particulières. Malgré l’ordonnance que les ministres avaient fait signer à Louis XIII en 1610, à peine Henri IV mort, par laquelle le nouveau souverain édictait qu’aucune dépense ne serait payée à l’avenir si elle était « déguisée ou confondue en acquits que l’on appelle comptants en nos mains, » — et cette prescription ne visait pas seulement les dons qu’on attribuerait à la libéralité du roi sous cette étiquette, mais aussi ceux que pourrait effectuer sous le même titre a notre très honorée dame et mère la reine régente ; » — malgré la sanction de cette ordonnance laquelle prescrivit que si « par surprise ou autrement il étoit expédié aucun denier au comptant l’on n’y auroit aucun égard et que ce qui seroit fait seroit rayé et rejeté de la despence des comptes où il se trouveroit employé, » Marie de Médicis a certainement donné à toutes fins sous ce couvert.

Enfin, détail inattendu, elle a mis de l’argent de côté ! Cette princesse qui ne prévoyait rien, dépensait inconsidérément et semblait insouciante de l’avenir, eut l’idée de placer des sommes à l’étranger ! Fut-elle impressionnée par les conseils ou les exemples des Concini ? Se crut-elle en danger également et pensa-t-elle que le sort qui l’attendait dût être tel qu’il lui faudrait songer à quitter le royaume ? On prétendit plus tard que l’argent envoyé en Italie au nom de la reine l’était en réalité au compte de Léonora Galigaï ; les héritiers de celle-ci réclamèrent même, mais le gouvernement de Louis XIII, qui aussi réclama et obtint finalement