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une vague et que les flûtes, les hautbois, les clarinettes, couronnent de trilles écumans. Sur le thème onduleux. un autre se pose ou plutôt éclate et jaillit en fanfare de cuivre. Et sur l’un et sur l’autre, par momens, les harpes font pleuvoir leurs gouttes de lumière. Enfin la cantilène se déploie et le grand nom d’Alexandrie entre magnitiquement dans la féerie sonore. Loin de la dissiper, il la rassemble. Il en devient le centre et le foyer. C’est autour de ce nom que l’étincelante symphonie se meut et s’illumine tout entière. Et tout entière aussi — privilège et miracle de la musique — tout entière, avec l’éclat de son azur et de sa blancheur, avec sa gloire et sa volupté, avec ses paysages et sa pensée elle-même, avec son génie et avec son âme, Alexandrie, impure et radieuse, resplendit, respire et revit dans les sons.


« Horace avec deux mots eu ferait plus que vous ! »...


Quelquefois même, on vient de le voir, il n’est besoin que d’un seul. Et c’est pourquoi nous ne nous rappelons guère autre chose, de toute la partition, ou à propos de toute la partition de M. Erlanger, qu’une page de M. Massenet.

Il ne faut pourtant pas oublier les deux principaux interprètes d’Aphrodite. Miss Mary Garden est une Chrysis alexandrino-britannique ; l’Egypte avec les Anglais, Albion et Tanagra panachées. Sa voix est un fil de métal, souple, solide et brillant. Son talent est mêlé de nerf et de grâce, de beaucoup d’art et d’un peu d’artifice. Et celui de M. Beyle (Démétrios), que sert la voix la plus sympathique, est fait de passion et de goût, d’intelligence et de sensibilité.


La dernière symphonie du plus grand musicien vivant de l’Allemagne, M. Richard Strauss, ayant, ainsi que les précédentes, un titre et un sujet, il convient peut-être de la juger premièrement par rapport à son sujet et à son titre, puis en elle-même, en elle seule et comme musique pure.

Le sujet est indiqué d’abord par le titre de l’ouvrage, ensuite par la dédicace : « A ma chère femme et à notre jeune enfant. » Voilà pour la donnée générale. Quant aux idées ou aux intentions particulières, l’auteur ne nous en a révélé qu’une seule, à laquelle apparemment il attache le plus de prix. C’est au moment où la famille semble réunie autour de l’enfant ; alors, sur un fragment du premier thème paternel, les tantes sont censées dire : « Ganz der Papa ! Tout à fait le papa ! » Sur un fragment du premier thème maternel, les oncles sont censés dire : « Ganz die Mama ! Tout à fait la maman. »

Par le musicien lui-même, nous ne savons rien de plus. Mais les