Page:Revue des Deux Mondes - 1906 - tome 33.djvu/342

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

pouvoir de l’étendre ou de la développer, de l’abolir aussi dans les formes qu’elle a pu revêtir et qui ne seraient plus une exhortation au progrès de l’humanité, mais une entrave.

Il ne semble pas que, dans le système catholique, l’inspiration soit un attribut réservé, puisqu’il est écrit que « l’esprit souffle où il veut ; » mais c’est une vérité de foi catholique que ceux-là seuls sont vraiment inspirés à qui l’Église a reconnu ce caractère. Pierre Leroux répudie bruyamment ce legs du christianisme historique. Il y tient d’autant moins qu’il se trouve des précurseurs chez les « réformés » ou protestans ; et il prévoit un temps où ce il n’y aura plus de distinction entre les prêtres et les laïcs. » En ce temps-là, dit-il, « le monde laïque sera devenu l’Église, et l’égalité régnera dans le double domaine du souverain civil et du souverain ecclésiastique… Voilà évidemment, suivant moi, où marchent l’Europe et le christianisme depuis la glorieuse insurrection qu’on a nommée la Réforme. » Il s’élève, ailleurs, avec véhémence, contre les prétentions des diverses Églises : « . Je ne pense pas, s’écrie-t-il, si l’on pense souverainement pour moi. J’admets l’aide de mes semblables, leur coopération, mais je n’admets pas leur tyrannie. Vous voulez que je me soumette aveuglément à une pensée qui n’est pas née ou qui n’est pas descendue dans ma conscience ! Vous niez en moi l’être pensant, et vous m’annihilez comme intelligence. » Dans le saint-simonisme d’Enfantin, il dénonce une déviation de la pensée saint-simonienne : « Ce que l’on a nommé le prêtre dans certain système, écrit-il, est une superfétation aussi inutile que dangereuse. » II conclut enfin : « Nous sommes tous prêtres, nous sommes une nation de prêtres, au même titre que nous sommes tous citoyens. »


III

C’était une pensée familière à Leroux, et l’une de celles auxquelles il tenait le plus, que « toute l’ère philosophique moderne n’a été que l’explication de plus en plus grande de la vérité divine qui était au fond du mosaïsme et au fond du christianisme, » et que « les grands destructeurs de la forme où cette vérité s’était enfermée dans le mosaïsme d’abord, et ensuite dans le christianisme, n’ont vraiment atteint et percé de leurs coups que cette forme, c’est-à-dire dans un certain sens le mosaïsme et le