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de Colombo, qui était un bon zoologiste, est mort récemment, et son successeur est en Europe. Je dois donc me contenter de regarder les objets eu « simple public. » Cependant un gardien indigène, qui parait assez intelligent, m’accompagne, son carnet et son crayon à la main, et prend note de tout ce que je lui signale.

Vous devez comprendre avec quel amour j’ai examiné les cicindélides. De ces coléoptères, j’ai vu là une assez jolie suite. Je reconnais les étiquettes de la main du Dr Walter Horn, le savant entomologiste de Berlin. Mon actif confrère m’a partout devancé. Parcourant les villes et les déserts, gravissant les montagnes, il a chassé les cicindèles sur tout le globe, visité toutes les collections publiques et privées. Après lui, il n’y a plus qu’à glaner. Mais je ne perds pas courage. Dans une des boites vitrées, sous mes yeux, s’étalent quelques superbes Cicindela discrepans, avec la mention : « Kandy » et l’indication des mois « Mai à Novembre. » C’est donc à Kandy que je trouverai la Reine des Cicindèles, encore qu’au commencement de sa saison. Demain matin, sans faute, je prendrai le train pour Kandy I


Kandy, 20 Mai 1901

... Je ne vous raconterai pas le voyage de quelques heures, en chemin de fer, que j’ai fait pour arriver dans ce petit pays de Kandy, où je suis installé depuis une semaine. Pour qui n’a jamais vu les grandes forêts de la Malaisie et de la Nouvelle Guinée, le trajet entre Colombo et la montagne de Kandy abonde en merveilleux spectacles. La « nature tropicale » y déploie toutes ses richesses. L’expérience me rend plus sévère. Ce n’est qu’une suite de gentils paysages où les modestes bouquets de bois alternent avec des fourrés de bambous, des rizières, des champs cultivés et des friches envahies par la jungle. A mesure qu’on monte vers le massif central dont les pics d’Adam et de Pedrotallagala sont les points culminans, les aspects se diversifient. Les rivières coupent, par places, les murailles de roches rouges, au loin le pic d’Adam dresse, à plus de deux mille mètres, sa haute cime où le Boudha laissa l’empreinte de son pied. La silhouette indistincte du pic est perdue dans les nuages, il pleut toujours. Des éléphans, réjouis par l’ondée, se baignent gravement dans l’eau jaunâtre où ils se dressent, immergés jusqu’au ventre, et s’aspergent de leur trompe, comme si la pluie ne leur apportait pas une suffisante fraîcheur.