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de la part du public, une chaleureuse sympathie, le principal motif qui entraîna une action armée contre l’Angleterre fut la volonté très nette de mettre fin, pour notre pays, a à la triste humiliation » rappelée avec tant d’insistance dans le mémoire de Vergennes.

Il n’en est pas moins vrai que, lorsque l’heureuse issue de la guerre de l’Indépendance eut procuré à la France la revanche qu’elle ambitionnait et assuré aux États-Unis la libre et entière disposition d’eux-mêmes, le service rendu à l’Amérique par les marins de d’Estaing et les soldats de Rochambeau, apparut à tous comme ayant eu une importance telle que le gouvernement français fut naturellement amené à croire qu’il en résulterait pour les deux pays, une communauté d’intérêts égale à cette réciprocité de sentimens que les années ne devaient pas affaiblir[1]. Jamais les Américains n’oublièrent ce que la France avait fait pour eux en les aidant à devenir un grand peuple, auquel était réservé un si prestigieux avenir de richesse et de puissance. Ce souvenir, toutefois, allait-il dominer toute leur politique future ? La France, qui, pour prix de sacrifices, d’autant plus lourds qu’ils finirent de grever ses finances obérées, n’avait réclamé aucune espèce de dédommagement, ne se fit-elle pas quelque illusion sur le concours ultérieur de ses alliés de la guerre de l’Indépendance ? Prévit-elle la direction presque exclusivement américaine, que les événemens, aussi bien que la situation géographique des États-Unis et leurs intérêts économiques et commerciaux, imprimeraient au développement futur de la jeune nation ? La vérité, c’est que, pour remplir ses destinées, pour atteindre à la grande situation qui dans le monde est devenue la sienne et qui, d’année en année, ne cesse de s’accroître, l’Union américaine devait suivre cette voie, non une autre. Washington et ses successeurs ne varièrent jamais dans leur marche si ferme sur ce terrain si solide. Ne pensant qu’à leur pays, l’aimant d’un amour à la fois jaloux et éclairé, subordonnant tous leurs actes à la défense de son entière autonomie et de ses intérêts primordiaux, s’appliquant de plus en plus à écarter toute intervention de l’Europe dans le Nouveau-Monde, — leur monde à eux, — ils ne se laissèrent,

  1. En rappelant, dans une dépêche adressée le 24 avril 1906, au Président de la République française « les inappréciables services rendus par la France aux États-Unis dans la période la plus critique de leur histoire, » le Président Roosevelt constatait une fois de plus « que la France tient une place particulière dans le cœur du peuple américain, »