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dès la première heure de leur vie nationale, détourner de leur route par aucun incident, par aucun entraînement, par aucune considération extérieure. Sur ces origines de la politique propre aux États-Unis, il n’est rien, croyons-nous, qui puisse, par les faits qu’elle rapporte et les réflexions qu’elle suggère, répandre plus de clarté que la correspondance échangée entre le gouvernement français et ses agens diplomatiques durant la période de 1789 à 1900, à laquelle se réfèrent les documens naguère publiés à Washington même, et dont nous allons faire un bref examen.


II

Lors de la réunion des États-Généraux, en 1789, dont la nouvelle fut accueillie par le peuple américain avec le plus vif enthousiasme, les relations des États-Unis avec la France étaient excellentes. Peu de temps auparavant, on avait appris à Philadelphie, non sans quelque satisfaction, le remplacement, par le comte de Montmorin, de M. de Vergennes qui, depuis quatorze ans, dirigeait en France le département des Affaires étrangères. Quoique ayant, plus que personne, servi la cause américaine en conseillant à Louis XVI une intervention armée, Vergennes, qui n’avait pas oublié l’initiative prise en 1782 par Jay et John Adams pour arriver à conclure avec l’Angleterre une paix séparée, avait eu avec le Congrès, sur plusieurs questions commerciales et maritimes, des dissentimens assez sérieux. Ainsi en avait-il été dans l’affaire du droit de pêche, sur les côtes de l’Acadie et de Terre-Neuve, qui avait provoqué une vive agitation dans le Massachusetts et dans plusieurs États du Nord, très mécontens d’avoir vu leurs demandes rejetées par la France, alors qu’ils avaient, à eux seuls, pendant la guerre, armé quatre fois plus de corsaires que les autres États réunis. Cette question n’avait pas laissé que d’être assez grave. A La Luzerne qui, en s’appuyant sur les précédens, avait contesté aux États-Unis le droit de pêcher hors de leur littoral, Lowel, membre du Comité des Affaires étrangères américain, avait répondu en réclamant leur admission sur toutes les côtes et à Terre-Neuve, « comme un principe inflexible, non plus parce qu’ils étaient les anciens sujets du roi d’Angleterre, mais en vertu du droit dont ils n’avaient jamais pu se départir, dont on ne pouvait jamais prétendre