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marin n’y attache qu’un médiocre intérêt ; un savant ayant besoin de plus de précision en sera moins satisfait.

Longtemps on s’est contenté de désigner les « boues » et « argiles » par des termes aussi peu précis en français qu’en anglais par les mots analogues mud, clay, ooze, et la même confusion existait en allemand. Ils demeurèrent suffisans tant que l’on ne chercha à connaître la mer que dans un dessein strictement pratique afin de diriger un bâtiment. Les conditions changèrent dès qu’il fallut aborder des considérations plus rigoureuses indispensables à une véritable science. Les savans qui entreprirent d’améliorer cette classification n’eurent pas, tout d’abord, il faut l’avouer, la main heureuse. On pouvait imiter le Cr de Rouzoux qui, ayant à décrire minutieusement les fonds de l’entrée de Brest, s’était borné à multiplier les indications et parlait, par exemple, de « sable blanc contenant une certaine quantité de grains noirs et piqueté de paillettes de mica. » Une telle désignation prenait les apparences d’une description et ne convenait pas à des études précises. Du reste, de Rouzoux, avec l’étonnante sagacité particulièrement caractéristique de son talent, comprenait si bien le défaut de ses descriptions qu’il illustrait son mémoire de figures coloriées représentant les fonds et qui, à cause de difficultés d’ordre artistique, laissaient malheureusement elles-mêmes quelque peu à désirer. Une solution moins satisfaisante consistait à s’appuyer sur des différences non plus de caractères mais de gisement. Ceux qui l’adoptèrent créèrent des sables côtiers et des sables profonds, des vases sableuses du nord et des vases sableuses du sud. La classification était inadmissible, car la vase du sud, dans une localité, devenait une vase du nord pour quelqu’un venant d’une localité située plus au sud ; et la profondeur, non fixée par un chiffre est, en soi, une donnée indéterminée, puisqu’un bassin où un homme en aurait jusqu’à la ceinture est profond pour l’enfant qui y aurait de l’eau jusque par dessus la tête. Pour le marin, des fonds de 200 ou 300 mètres sont très profonds, et l’océanographe les considère comme presque superficiels.

Les Anglais imaginèrent une autre classification. Leurs océanographes ayant été pour la plupart des zoologistes, les êtres vivans prirent à leurs yeux une influence prépondérante, et ils adoptèrent comme critérium la présence dans les fonds d’animaux particuliers