Page:Revue des Deux Mondes - 1906 - tome 33.djvu/480

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

différentes se manifesteront sans doute dans la Chambre dès qu’elle sera réunie. Les uns voudront compléter la loi de séparation, c’est-à-dire l’aggraver ; les autres la maintenir et l’appliquer telle quelle. Espérer mieux serait une chimère après tant d’autres. Que doivent faire les catholiques, ou plutôt ceux qui portent un intérêt profond et sincère à toutes les manifestations de la foi religieuse ? Doivent-ils fournir des armes aux premiers, ou donner plus de force à la volonté incertaine et chancelante des seconds ? C’est la question, il n’y en a point d’autre. Que ceux qui ont voulu attendre les élections pour y chercher une lumière qu’ils ne trouvaient pas en eux-mêmes comprennent du moins et admettent la leçon qui s’en dégage. C’est aujourd’hui à la prudence, au sang-froid, à la patience que nous devons avoir recours, non seulement pour la défense des intérêts religieux, mais aussi pour celle des intérêts politiques qui nous sont chers. Il est malheureusement à craindre que, dans la législature qui s’ouvre et qui s’annonce si mal, nous ne soyons condamnés à nous contenter du moindre mal : encore faudra-t-il se féliciter si on s’y arrête. A faire se cabrer et ruer l’adversaire il n’y a rien à gagner. Nous n’avons jamais été de ceux qui attendent le retour au bien de l’excès du mal, et si nous avions autrefois partagé leur erreur, nous en serions revenus depuis longtemps. L’expérience a été bien souvent renouvelée : elle nous a montré que, du mal fait, quelque chose demeure toujours qui ne s’efface plus et qui rend le bien plus difficile.

Il nous reste à dire comment les élections ont été préparées et de quels incidens elles ont été précédées. C’est notre devoir de chroniqueur de parler du grand complot que le gouvernement a découvert un beau matin, et dont il s’est empressé de découvrir au pays les secrets pleins d’horreur par le complaisant intermédiaire des journaux à sa dévotion. Et comment oublier aussi les émotions du 1er mai ?

Le complot est certainement l’invention tragi-comique de ce genre la plus rudimentaire, la plus méprisante pour l’esprit public, tranchons le mot, la plus grossière qu’on eût encore vue. Découvrir un complot à la veille des élections est un procédé classique, déjà mis en usage par beaucoup de gouvernemens sans scrupules, et qui, il faut bien l’avouer, produit généralement quelque effet. Le complot d’hier, quelque ridicule qu’il ait été, n’a pas échappé à cette loi commune. Nous avons eu quelque peine à le croire ; mais des observateurs assez nombreux nous ont assuré qu’en province, et même dans des provinces qui ne sont pas loin de Paris, le complot a été pris au sérieux. Cela prouve qu’il faut toujours faire fond sur la sottise de ses contemporains. Le gouvernement