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encore, quels sont les faits humains qu’une plaque photographique pourrait enregistrer tout aussi bien que la rétine de l’œil ?

En premier lieu, les hommes eux-mêmes, revêtement mobile de la surface et revêtement d’une densité très inégale sur les différens points du globe. D’ailleurs cette mobilité est plus restreinte, et cette inégalité de distribution est beaucoup plus persistante et constante qu’on ne pourrait d’abord le penser : chaque individu, chaque petit groupe isolément peut se déplacer, et de fait se meut ; il n’en est pas moins vrai que sur la carte du monde les grandes taches d’humanité vivante se marquent toujours aux mêmes places ; la répartition générale des plus fortes masses humaines semble soumise à une fixité à coup sûr relative et pourtant à une certaine et étonnante fixité. Ne cherchons pas ici à expliquer le fait : nous le constatons, nous le voyons. La toundra sibérienne, les hamadas sahariennes ou la forêt amazonienne sont et restent presque vides d’hommes, tandis que les hommes s’accumulent et se pressent dans les deltas boueux et humides de l’Extrême-Orient asiatique ou dans tels et tels districts de l’Europe occidentale ou centrale.

Avec les hommes, à côté des hommes, et d’autant plus nombreux que les hommes sont plus nombreux, se révèlent d’autres faits de surface, d’autres faits concrets, que nous pouvons ramener à six types essentiels :

D’abord l’un des plus visibles, sorte d’excroissance superficielle : la « maison, » ou, si l’on veut encore, l’abri ou l’habitation ou la construction humaine ; car tous ces faits innombrables et multiformes, qui parsèment la croûte terrestre de milliers de petits points, rouge de tuile, gris d’ardoise, blanc de marbre ou de chaux, brun-noir de vieux chaumes ou jaune-brun de feuilles séchées, tous ces faits plus ou moins serrés, plus ou moins vastes, plus ou moins durables, nous les comprenons sous le terme général de « maison, » depuis les plus humbles paillottes des sauvages jusqu’aux monumens urbains les plus compliqués, coupoles des observatoires ou flèches des cathédrales, et depuis les cases ou gourbis isolés des steppes arides, jusqu’à ces ensembles compacts d’habitations contiguës et presque continues des plus fortes et denses agglomérations.

Un second fait accompagne presque partout et presque toujours le premier, c’est la « route, » c’est-à-dire le passage consacré et, si