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l’on peut dire sacrifié à la circulation : sentiers à peine battus qui conduisent au « chalet » ou au « buron » de la haute montagne, grandes voies pavées ou asphaltées de nos villes, chemins blancs dont les lacets habiles montent aux flancs des Alpes, des Cévennes ou du Liban, lignes ferrées que sillonnent et que marquent les rails parallèles, et « routes qui marchent, » voies d’eau, fleuves endigués ou canaux. À la « route, » ainsi comprise, se rattachent tous les complémens et toutes les excroissances, de caractère matériel et concret, qui sont les marques et les traces de la circulation et des communications humaines : ponts et tunnels, places ou ports, tout cela, c’est toujours la « route ; » et, de la nacelle de notre ballon, nous constatons, dès le premier coup d’œil, à quel degré sont associées au point de vue géographique la maison et la route, et comme elles s’entremêlent d’une manière encore plus étroite dans la forme concentrée de l’installation humaine : la ville géographiquement parlant, la ville, physionomie et réalité, est faite de « vides » tout autant que de « pleins, » c’est-à-dire de rues, de carrefours et de places tout autant que d’habitations et de monumens.

« Maisons » et « routes » sont donc liées et alliées sur la terre habitée, et représentent les deux faits humains essentiels de ce qu’on pourrait appeler l’« occupation stérile ou improductive du sol. »

D’autres taches de surface apparaissent encore, d’autant plus nombreuses qu’est plus dense le peuplement : taches, aux contours assez réguliers et comme définis, aux teintes variables selon les saisons, tantôt couleur terne de la terre nue ou couleur chaude et forte de la « terre ouverte, » tantôt vert tendre des herbes jeunes, jaune foncé des épis mûrs, ou blanc éclatant des fleurs de cerisier ou des fibres de coton, taches qui correspondent aux parties de la surface où le sol est gratté, retourné ou remanié : c’est, d’un terme encore tout général et qui exprime la réalité vue, le « champ » ou le « jardin : » telle est bien la traduction géographique et matérielle de la culture, c’est-à-dire de la subordination du monde végétal à la volonté humaine. Champs de blé des plateaux beaucerons ou des « terres noires » de Russie, coteaux méditerranéens plantés de jeunes et bas et grêles ceps de vignes ou de vieux oliviers tordus et toujours feuillus, plates-bandes alignées et serrées des jardins maraîchers de la banlieue parisienne, damiers