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innovations, mais à deux conditions : qu’elles leur soient utiles et qu’elles ne soient pas contraires aux dogmes fondamentaux de leur religion[1]. » Ce ne sont pas seulement les musulmans instruits, qui ont une faculté d’adaptation économique à nos méthodes de production, ce sont, parmi les indigènes, tous ceux qui ont l’intelligence un peu ouverte et une personnalité un peu forte. Leur nombre, qui n’est déjà pas négligeable, doit progressivement s’accroître avec rapidité.

Impuissante contre l’âme religieuse des musulmans, notre civilisation doit s’efforcer de gagner leur bonne volonté et d’attirer à notre œuvre économique leur concours indispensable. Il faut rendre à l’administration française cette justice qu’elle a, depuis une quinzaine d’années du moins, le sentiment de ce devoir. Après la guerre de 1870-71 et l’octroi aux colons d’une représentation au Parlement métropolitain, nos administrateurs furent trop enclins à oublier les indigènes et à sacrifier leurs intérêts aux intérêts et même aux préjugés des Européens. Depuis 1890 environ, un autre sentiment anime l’administration algérienne : les gouverneurs généraux, MM. Laferrière, Cambon, Révoil et Jonnart, se sont rendu compte de la nécessité de se concilier l’élément indigène, d’améliorer sa situation sociale, et de développer sa puissance économique. C’est ainsi que l’on s’est appliqué à propager les « Sociétés indigènes de prévoyance, de secours et de prêts mutuels, » à répandre et fortifier l’institution des a silos de réserve » pour mettre l’indigène à l’abri de la famine et lui permettre de continuer, en temps de disette, ses ensemencemens. Au 30 septembre 1903, on comptait en Algérie 157 de ces Sociétés indigènes de prévoyance, possédant un avoir de plus de 12 millions et demi de francs. Ces sociétés, outre leur but spécial de maintenir et d’étendre les « silos de réserve, » remplissent en partie pour nos sujets musulmans le rôle des syndicats agricoles chez nous. Elles sont les intermédiaires pour les achats d’instrumens et de matières premières et contribuent au progrès de l’outillage et des méthodes.

L’organisation de l’assistance médicale parmi les indigènes est, à la fois, l’un des moyens les plus efficaces d’améliorer la situation

  1. Cf. Bonet-Maury : l’Islamisme et le Christianisme en Afrique, librairie Hachette, 1905.