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de nos sujets musulmans, et d’exercer sur eux une influence légitime. De tous les personnages européens avec lesquels il entre en contact, l’indigène apprécie surtout le médecin. M. Jonnart paraît bien comprendre l’importance non moins politique et sociale qu’économique de cette branche de service : il s’applique à la développer. On installe sur de nombreux points des infirmeries indigènes en se conformant, autant que possible, aux goûts et aux habitudes des musulmans : on recourt à des doctoresses qui tiennent des cliniques pour les femmes et les enfans arabes ; on institue des consultations gratuites dans les infirmeries, ainsi que sur les marchés et parmi les tribus ; on s’occupe particulièrement des vaccinations et revaccinations, des maladies des yeux, si fréquentes et si cruelles en Afrique. En 1903, on comptait ainsi 70 infirmeries indigènes disposant d’un millier de lits : ce ne peut être là qu’un commencement ; il faudrait que ces chiffres fussent au moins quintuplés. On devrait obliger les administrations des communes mixtes qui perçoivent sur les indigènes des impôts, dont ceux-ci ne retrouvent pas toujours ou ne voient pas la compensation, à entretenir un service médical efficace parmi leurs administrés musulmans. On a constaté que les notables indigènes ont souvent participé, par des dons, aux frais d’installation des infirmeries. La médecine, exercée par des doctoresses, pourra avoir accès près de la femme et dans la famille arabe ; il y a là une carrière pour nos féministes. Certains fléaux, comme le paludisme, qui, dans la seule province d’Oran, a causé une dizaine de milliers de décès au delà du chiffre normal dans l’année pluvieuse 1904, doivent attirer l’attention particulière de nos hygiénistes et de nos administrateurs. L’Assistance publique, dans ces milieux tout primitifs, doit être l’auxiliaire de l’hygiène : il existe des bureaux de bienfaisance musulmans : ils sont placés sous la surveillance de conseils composés de membres français et indigènes et présidés par les maires ; il convient de les répandre et de les rendre efficaces par l’octroi de ressources.

En remplissant, comme elle s’efforce depuis quelques années de le faire, cette œuvre multiple et bienfaisante, l’administration française aidera puissamment à l’essor de la colonie et contribuera à son repos. On ne peut se flatter de fondre, avant l’écoulement de toute une série de siècles du moins, en une population homogène, l’élément musulman et l’élément européen. Mais l’histoire