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Nos colons ruraux souffrent, cependant, depuis quelques années d’un fléau, qui ne semble pas près de disparaître, et qui dissipe leurs plus belles espérances, la mévente des vins. Ils étaient accourus pendant la période du phylloxéra et avaient planté la vigne avec entrain ; les hauts prix du vin, jusqu’aux environs de 1900, les encouragèrent à l’extension de leur vignoble ; ils créèrent ainsi 160 000 hectares de vignes et arrivèrent à récolter 8 millions d’hectolitres de vin. C’était une production annuelle d’une valeur de 120 à 150 millions de francs d’après les prix d’antan ; aujourd’hui cette valeur a fléchi de moitié, sinon des deux tiers. On peut espérer que la crise ne demeurera pas toujours si aiguë ; mais il serait téméraire de compter qu’elle disparaîtra complètement. Nos colons d’Algérie, dont le marché local pour les vins est très restreint, doivent plutôt penser à réduire leur vignoble qu’à l’accroître : ils compromettraient l’avenir et se ruineraient sûrement en étendant leurs plantations. Pourra-t-on trouver des compensations à cette culture jadis fascinatrice ? Il n’en est pas d’unique et de certaine. Mais le maraîchage, le jardinage, l’arboriculture, pour les primeurs et les fruits, à destination non seulement de la France, mais de tous les riches pays du Nord, Angleterre, Belgique, Hollande, Allemagne, sont susceptibles d’un immense développement ; il s’agit, à l’imitation des Australiens, d’organiser, sur eau et sur terre, des moyens de transport rapides appropriés. La petite et la moyenne propriété européenne y trouveront largement leur compte. On a suggéré que l’on pourrait reprendre, en certains points, la culture du coton, qui séduisit les colons d’il y a cinquante ans et qui fut abandonnée, peut-être moins à cause des médiocres rendemens et de l’inexpérience culturale, que du fait des bas prix de la denrée : depuis quelque temps, on se trouve en présence de prix singulièrement relevés qui pourraient rendre plus profitable, dans les points de l’Algérie appropriés, la culture de cette plante textile.

Les productions traditionnelles, à savoir les céréales et le bétail, resteront sans doute, aussi bien pour les colons que pour les indigènes, la base principale et normale de l’agronomie algérienne. Elles sont en constant progrès. D’après des tableaux annexés au rapport présenté par M. de Solliers aux délégations financières algériennes sur le budget de 1906, la production annuelle moyenne de céréales est passée de 16 600 000 quintaux dans