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gouvernement sorti d’une émeute n’a pas le droit d’édicter une mesure organique quelconque, tant qu’il n’a pas fait absoudre sa témérité révolutionnaire et obtenu de la nation des pouvoirs réguliers, sans cela, tous ses actes ne sont plus que des actes de violence contre lesquels on a le droit et quelquefois l’obligation de résister.

Pour mener docilement aux urnes le troupeau électoral prétendu souverain, Olozaga constitua une junte composée de quatre membres des trois partis, et il rédigea pour cette junte un manifeste dans lequel il greffa une affirmation nettement monarchique sur les idées et sur la phraséologie la plus révolutionnaire. Tout le monde fut content, les uns ayant les mots, les autres la chose.

Olozaga crut alors pouvoir se faire envoyer comme ambassadeur à Paris. L’Empereur annonça qu’il le recevrait avec plaisir. Au moment de son départ surgit une difficulté. Il apprit que le gouvernement envoyait à Berlin Rancès, l’agent connu de Montpensier, et qu’on croyait prêt à aider toutes les intrigues contre le gouvernement de Napoléon III. Il expliqua à Serrano qu’il n’avait aucun mauvais sentiment contre Rancès ; qu’il ne verrait pas d’inconvénient à ce qu’il fût placé ailleurs, à Vienne par exemple, mais que s’il allait à Berlin, lui ne partirait pas pour la France et porterait la question devant les Cortès. » Satisfaction lui fut accordée. Rancès alla à Vienne, Montenar à Berlin, et les autres postes diplomatiques furent pourvus dans le même esprit. Olozaga obtint encore du gouvernement quelques mesures énergiques contre les factions de désordre, puis il se mit en route pour Paris le 20 novembre.


VIII

L’Empereur n’avait point eu, pendant longtemps, à se louer de la reine Isabelle. Elle ne déguisait pas son antipathie et elle avait refusé de se rendre à l’Exposition universelle. Un voyage de l’Impératrice en Espagne, auquel répondit une visite du Roi à Paris, avait adouci les rapports. Pendant tous les pronunciamientos, l’Empereur avait loyalement rempli ses devoirs de voisin, écarté les émigrés compromis de la frontière, et exclu Prim de notre territoire. Il ne voulait pas aller au-delà et se donner des apparences d’approbateur, encore moins de soutien d’une politique qu’il