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en 1890, à 30 millions en 1901, à 38 millions et demi en 1904 ; et tous les budgets, depuis 1890, laissent régulièrement des excédens, dont le moindre fut de 855 000 francs en 1897 et le plus important, qui est aussi le plus récent, de plus de 12 millions en 1901. Ces excédens ont permis de faire, quasi sans aucun emprunt public, depuis vingt ans, d’importans travaux d’outillage colonial ou d’hygiène.

Certes, la France a le droit d’être fière de résultats si notables et si rapides, obtenus avec une si grande simplicité de moyens. Il n’en résulte. pas que l’on puisse se départir de beaucoup de prudence, de modération et de méthode dans les dépenses. Une colonie adolescente est toujours une plante délicate et impressionnable, exigeant des ménagemens.

Nous n’avons pas ici à commenter ces résultats matériels ; ils ont leur éloquence propre et suffisent pour une impression d’ensemble. Des questions d’ordre moral attirent l’attention : il y a trois questions de ce genre, celle de la situation et de l’avenir des musulmans, nos protégés ; celle des israélites indigènes ; et celle enfin des étrangers européens.

La question du traitement et de l’avenir, sous notre domination, de la population musulmane, en Tunisie, diffère par certains côtés de ce qu’elle est en Algérie. L’indigène tunisien est, non pas sujet français, mais protégé français : son amour-propre trouve quelque satisfaction, parfois aussi, non toujours, quelque garantie, dans le maintien du bey et des autorités indigènes diverses. Le musulman tunisien, du moins celui des villes, est intellectuellement plus raffiné que le musulman algérien ; mais ce n’est guère qu’une culture superficielle, littéraire et sociale. Sauf dans la région du Sahel, c’est-à-dire de la côte orientale, où l’olivier et le maraîchage sont l’objet, de la part des indigènes, de soins assez perfectionnés, les musulmans tunisiens, dont le contact avec les méthodes européennes est récent, ne fournissent guère encore une élite d’agriculteurs, de commerçans, d’industriels et d’artisans s’assimilant nos procédés et nos arts. Cela viendra, sans doute, avec le temps. L’administration fait quelques efforts pour y contribuer : on a notamment fondé une école d’agriculture pour les indigènes ; il faudrait étendre les créations de ce genre en les rendant plus simples et plus pratiques.

On a respecté avec raison les institutions musulmanes, notamment