et sur la manière dont il entend l’accomplissement des vœux. L’histoire des pénitens de Maïlom m’a paru plaisante et je vous la veux conter.
Pondichéry, 26 juin 1901.
… Voici donc la mésaventure de ces pénitens. Mais, tout d’abord, vous devrez remarquer que le boudhisme n’a eu que peu de succès dans l’Inde, et cela, pour vous en donner une raison entre mille autres, à cause du peu d’importance que cette religion attache aux œuvres, si l’on prétend en tirer le salut. Et l’importance que les Hindous attribuent aux œuvres est énorme. Prenant toujours au pied de la lettre les préceptes de leurs vieilles lois, qui recommandent d’exercer la charité, les dévots se croient obligés d’offrir, de temps à autre, de vrais festins à une multitude d’indigens. Le caractère indien pousse tout vers l’ostentation. Une œuvre charitable ne vaut donc, à leurs yeux, que si le pays tout entier la connaît. Là donc, tout comme dans les mariages, c’est à qui se saignera aux quatre membres pour paraître. La concurrence pèse sur tous. Et l’on en est venu à payer les pauvres pour les décider à accepter l’aumône nourricière. Ce sont les obligés qui dictent la loi aux bienfaiteurs.
La grève des pauvres à la fête de Maïlom fut sans doute une revanche sociale. Ils se refusèrent à manger le repas que les pénitens avaient fait vœu de leur offrir. Les serviteurs des villages avaient pourtant tout préparé avec le plus grand soin. Le riz accommodé au mieux, le poisson épicé, le carry, le mouloukoutany — c’est un bouillon de poule, poivré, et de la plus haute saveur — toutes sortes de mets étaient là, disposés dans des jattes de cuivre, ou sur des assiettes en feuilles de nénufar, ce qui est la perfection du genre. Le couvert était mis sur le sol pour soixante personnes.
Vous vous imaginez peut-être que parmi les misérables, réunis là au nombre de plusieurs milliers, le pénitent, qui dressait le buffet, n’aurait que l’embarras du choix. Grande est votre erreur. Les affamés professionnels savaient que la quantité des pénitens aumôniers était considérable. Ils supputèrent donc les festins à consommer : cette fête de Maïlom réunissait, en effet, des centaines de pèlerins qui s’étaient engagés à nourrir — chacun pour une fois — de cinquante à soixante pauvres. L’offre, en un mot, dépassait la demande.