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Page:Revue des Deux Mondes - 1906 - tome 34.djvu/402

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honoraires par ceux qui les paient et par ceux qui les touchent, interviennent une quantité d’élémens : le rang social attaché par exemple à telle ou telle occupation appelle ou éloigne les candidats, autant que le plus ou moins de stabilité, d’avantages, que cette occupation comporte et d’instruction technique qu’elle exige. Il est ainsi des postes moins lucratifs que d’autres, parce qu’ils ont plus de prestige.

L’État, chez nous, a sur les particuliers une supériorité qu’il n’a pas en Angleterre ou en Amérique : il est dans la nature française de rechercher les emplois de gouvernement et de s’y plaire, comme il est dans la constitution de certaines plantes d’aimer la pluie ou la sécheresse. Des individus, qui ne sont ni plus sots ni moins honnêtes que d’autres, préféreront une fonction publique à moitié salaire d’une fonction privée.

La moyenne de 615 000 traitemens civils payés par l’Etat ressort à 1 500 francs environ ; mais, comme on vient de le dire, un très grand nombre des titulaires exécutent une besogne manuelle. Les « fonctionnaires » ouvriers, là où ils dominent en nombre, tendent à abaisser la moyenne — pour l’administration des forêts elle descend à 1 060 francs. — Les frais de représentation alloués aux diplomates ont l’effet opposé sur le personnel restreint des Affaires étrangères, qui paraît jouir de 7 500 francs par tête. Le chiffre moyen de 1 500 francs pour l’ensemble des traitemens payés par l’Etat, sera donc beaucoup trop faible et par conséquent inexact, lorsqu’on en aura retranché ceux qui récompensent un travail de bras plutôt qu’un travail de tête. Même ainsi relevée, la rémunération des fonctions officielles demeurerait inférieure à celle des fonctions privées. Pour l’élite, pour les chefs de file de la troupe des salariés de l’Etat, la chose n’est pas douteuse.

Officielle ou privée, la moyenne des traitemens civils contemporains, si elle pouvait être comparée à celle des traitemens de jadis, nous montrerait ceux-ci trois fois moindres dans les siècles passés qu’ils ne sont de nos jours. Ils ont donc augmenté plus que les salaires ouvriers, qu’ils dépassent généralement aujourd’hui ; tandis qu’autrefois les gages des petits employés étaient souvent inférieurs à ceux des compagnons de métier. Et ceci nous est une preuve que les traitemens des uns ne se proportionnent pas nécessairement à ceux des autres, que la hausse ou la baisse du travail de plume n’a pas pour corollaire la hausse