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Page:Revue des Deux Mondes - 1906 - tome 34.djvu/404

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devaient être étroitement surveillés par des municipalités le plus souvent économes ; mais la comptabilité fut, jusqu’à des temps très rapprochés de nous, chose réfractaire au progrès.

Il y avait beaucoup d’obscurités voulues dans ces rouleaux de parchemin et dans ces tablettes de cire, qui servaient de livre-journal aux trésoriers de l’époque féodale. Les traductions d’espèces sonnantes en monnaie de compte permettaient aux Caorsins et aux Lombards de prendre, avec le change de la livre-tournois, des libertés audacieuses. Tel ce Dime Raponde, Lucquois de nation et encaisseur de profession, investi de la confiance du duc de Bourgogne, du seigneur de La Trémoïlle et de plusieurs princes. Les déficits qui semblaient ressortir de ses écritures, venaient-ils à être attentivement contrôlés, ils se transformaient en excédens.

Les menus larcins, que ces madrés personnages picoraient dans les budgets restreints des Valois, devinrent, sous les premiers Bourbons, de vraies opérations de piraterie, favorisées par l’accroissement, subit et colossal des besoins de l’Etat. Ses employés de finances lui firent la loi. Leurs bénéfices, suivant la règle ordinaire, furent d’autant plus grands qu’on ne pouvait se passer d’eux et qu’ils abusèrent d’un monopole. Les agens fiscaux du Trésor lui vendirent très cher son propre argent, celui des contribuables. Pour la peine qu’ils prenaient de le récolter, ils en gardaient à peu près le tiers : 25 pour 100 sur l’impôt direct, 40 pour 100 sur l’impôt indirect, toujours affermé à cette époque. Depuis la mort de Henri IV jusqu’aux premières années du ministère de Colbert, on peut dire que, pécuniairement parlant, le pays légal fut au-dessous de ses affaires, et qu’il n’y eut pas, en toute la France, de plus mauvais payeur que la France elle-même.

Au XVIIIe siècle, où la machine à recevoir et à payer s’était sensiblement améliorée, les « aides » — contributions indirectes — de province, exploitées en régie, coûtaient encore 16 pour 100 de frais de recouvrement. A la fin du règne de Louis XVI, ces frais absorbaient encore 11 pour 100 du budget total, et ce n’est que depuis une quarantaine d’années, sous Napoléon III, qu’ils sont descendus à 5,40 pour 100.

A mesure que le crédit public s’est fondé et que la comptabilité s’est perfectionnée, les traitemens des caissiers et collecteurs, réduits au rôle de simples agens d’exécution, ont été rognés