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Page:Revue des Deux Mondes - 1906 - tome 34.djvu/546

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J’ai été bien content des additions que vous y avez faites. Il y a plus d’idées et de justesse d’esprit dans ces 300 pages que dans rien de ce qui a été public dans ces derniers tems.

Je compte partir pour la Suisse sous peu de jours. Je serai pourtant à Paris je pense assez longtems pour pouvoir recevoir votre réponse à cette lettre. J’espérais vous voir cet hiver auprès de monsieur votre père, mais je crains que son éloignement de Genève n’entraîne le vôtre.

Adieu, cher Prosper, je vous suis bien tendrement attaché.


XXIV


Bâle, le 25 mai 1811.

Que de tems il s’est écoulé depuis que nous ne nous sommes écrit, cher Prosper. Ce n’est pas que je n’en aie eu souvent le désir et le besoin. Mais je ne restais à Genève et à Lausanne que d’un jour à l’autre, et je ne savais où vous prier de me répondre. Je ne le sais pas trop encore, car il n’est point décidé si j’irai en Allemagne ou si je retournerai à Paris. Cependant je ne tiens plus au triste silence qui s’est établi entre nous, et je vous demande de me donner un signe de vie en m’adressant votre lettre ici, sous le couvert de MM. Passavant et Faesch qui me la feront parvenir, où que je sois.

Savez-vous un projet qui me séduit fort ? J’ai vendu ma campagne parce qu’elle était inhabitable pour ma femme. J’attends plusieurs circonstances de fortune et autres pour savoir si je ferai une nouvelle acquisition. Cependant je ne crois pas rester longtemps dans cette Westphalie[1] qui a tous les inconvéniens de Paris, et nul de ses avantages. Quand serez-vous à Napoléon-Vendée, combien de tems y resterez-vous ? Pendant que je ferais faire à Paris par mon notaire les recherches nécessaires pour former un nouvel établissement plus convenable à ma situation actuelle que le premier, je serais bien tenté de passer deux mois près de vous. Nous causerions comme il y a bien longtems que je n’ai causé. Je me sentirais encouragé par vous à travailler ; je rapporterais d’Allemagne quelques livres qui me sont très nécessaires, et je finirais peut-être sous vos yeux le

  1. Benjamin Constant était sur le point de se rendre en Allemagne, dans la famille de sa femme, au château de Hardenberg près de Göttingen.