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Page:Revue des Deux Mondes - 1906 - tome 34.djvu/547

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Polythéisme auquel vous vous intéressiez autrefois. Tout cela dans l’hypothèse que vous restiez préfet de la Vendée, ce qui peut changer à chaque instant, car il y a une grande probabilité que vous vous rapprocherez, ou plutôt que vous serez rapproché de Paris. Alors voilà tous mes projets de retraite auprès de vous renversés à leur tour.

Notre amie est à Aix, sa situation m’attriste. Je l’ai peu vue cet hiver malgré moi, et, à ce qu’elle a bien voulu me témoigner, malgré elle. Mais on ne peut pas être à demi dans son atmosphère. Elle s’est amusée à Genève. Mais cet amusement n’arrange rien pour son avenir, et je ne vois pas s’approcher pour elle l’époque du calme et de quelque chose de fixe. Elle a de grands projets qu’elle n’exécutera pas et qui ne lui servent qu’à ne rien préparer de plus rapproché et à se laisser ballotter par un vague souvent orageux et presque toujours pénible. Que la vie est difficile à arranger, elle l’est plus en proportion qu’on a plus de facultés. Vous même en savez quelque chose.

La triste certitude que j’ai de n’être pas établi d’ici à trois mois et de vivre dans les auberges ou chez les autres, m’a fait prendre des moyens de travailler à bâtons rompus, il est vrai, partout où je serai. J’espère dans ma route, que je fais lentement, avoir préparé le Polythéisme de manière à pouvoir profiter en arrivant de l’université de Göttingue.

Adieu, cher Prosper, si vous me répondez, vous me ferez un des plaisirs les plus vifs que je puisse goûter dans ma vie.

XXV


Wiesbaden, près Francfort, ce 15 juillet 1811.

Votre lettre que j’ai trouvée à Francfort m’a fait un plaisir extrême, cher Prosper. L’intérêt que je prends à la nouvelle que vous m’annoncez[1] ne peut vous être un objet de doute. Je ne veux pas non plus douter de votre bonheur à venir. Vous êtes tellement fait pour en donner qu’il doit nécessairement vous en revenir quelque chose. Je crois peu à l’influence réciproque des hommes sur le caractère les uns des autres. Je n’ai jamais vu un caractère changer autrement que par la vieillesse ou l’expérience, qui est un genre de vieillesse. Mais je crois beaucoup

  1. M. de Barante épousait Mme de Houdetot.