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Ces erremens produisent un contingent bien inférieur à celui de l’Allemagne et donnent lieu, pour des motifs semblables qui ressortiront au cours de cette étude, à des critiques analogues à celles d’outre-Rhin quant à la valeur des sujets obtenus.

Notre corps d’officiers est profondément pénétré du ressentiment patriotique de nos désastres et de la volonté de faire tous ses efforts pour les effacer et pour se trouver à même de remplir la haute mission qui lui est confiée dans la grande tâche du relèvement de la nation. Mais son recrutement est soumis aux conditions sociales où nous vivons, et, s’il donne des résultats satisfaisans actuellement, l’avenir semble plus incertain.

Un si grand nombre de carrières moins pénibles, plus rapides et plus lucratives, sollicitent la jeunesse intelligente et instruite, que l’on peut craindre une diminution graduelle des sujets de valeur. D’autre part, la prolongation de l’état de paix, en produisant une longue stagnation dans chaque grade, réduit encore les chances de parvenir, tandis que les vocations, à l’âge où elles se décident, restent incertaines de leurs aptitudes spéciales, qu’elles n’ont actuellement aucun moyen de reconnaître. Les attaques incessantes dont l’armée est l’objet de la part d’un parti relativement peu nombreux, mais remuant, actif et de plus en plus puissant, sont aussi de nature, par une désagrégation lente et dont les effets se font déjà sentir, à détourner beaucoup de jeunes gens de la carrière des armes.

Il ne faut pas se dissimuler qu’en présence de l’augmentation des richesses, du bien-être et de l’âpre désir de jouir qui en est la conséquence, il n’est possible d’échapper que par une vigoureuse réaction à la loi historique de la diminution de l’esprit militaire, une des formes de l’esprit de sacrifice.

Cette réaction s’était produite dans les esprits et les cœurs à la suite de nos revers, et si dès lors elle ne s’est pas traduite complètement dans les faits, si elle menace de s’affaiblir, c’est qu’il ne suffisait pas de proclamer le service obligatoire qui en a été l’expression, il fallait l’étayer de son complément indispensable : une préparation préalable.

On ne conteste pas les bienfaits de la généralisation de l’instruction, un des besoins essentiels de notre société démocratique. Elle prépare l’enfant au combat de la vie, et lui donne l’outil qui lui assure l’existence, ou tout au moins qui la lui facilite. Bien dirigée, elle développerait son discernement et son